République des Lettres

Bibliothèque Numérique Européenne

Le projet de Bibliothèque Numérique Européenne avance à petits pas.

Le Comité de pilotage de la Bibliothèque Numérique Européenne (BNE), présidé par le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a tenu sa sixième réunion mercredi 11 janvier. Créée il y a près d'un an à l'initiative de la France, cette structure prévoit à terme le lancement d'une grande Bibliothèque Numérique qui indexerait elle-même ses livres puisés dans le fonds de 23 grandes bibliothèques nationales d'Europe (manque actuellement celles du Portugal et du Royaume-uni). Elle envisage d'ores et déjà de scanner un million d'ouvrages pour défendre ce patrimoine "d'une richesse et d'une diversité sans égales", selon Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque Nationale de France, qui tente par cette initiative de contrebalancer le projet de bibliothèque numérique mondiale entrepris par le moteur de recherche américain Google. Personne toutefois, ni au sein du Comité de pilotage de la BNE ni dans les Ministères ou à la Commission Européenne, n'est encore en mesure de faire une évaluation précise du coût du projet et encore moins de dire comment il sera financé. Le ministère français de la Culture a simplement indiqué dans un communiqué qu'il souhaitait un financement mixte public et privé (mécènes, entreprises et investisseurs).
En près d'un an de discussion, rien de concret n'est donc encore sorti de cet échafaudage, d'une part parce que les problématiques, notamment technologiques, sont difficiles à résoudre, d'autre part parce que la participation des autres pays européens à ce projet de numérisation des savoirs n'est pas encore acquise. Seulement cinq pays à ce jour (Allemagne, Espagne, Hongrie, Italie et Pologne) ont rejoint la France pour demander à la Commission européenne de lancer le projet de BNE.
Cependant, histoire d'avancer un petit peu, le Comité de pilotage indique qu'un "test de numérisation de masse" sera bientôt effectué pour mieux évaluer les conditions techniques ainsi que le temps et le coût de l'opération. Le projet sera ensuite présenté au président de la République et à la Commission européenne. Puis les échanges entre éditeurs, bibliothèques et organismes divers concernés des pays membres devraient alors s'intensifier et les investisseurs potentiels sollicités. Une plate-forme commune, tant au niveau des bases de données que de l'infrastructure technique, serait aussi mise en chantier. Avec un peu de chance, la Bibliothèque Numérique Européenne pourrait être baptisée en 2007, selon ses initiateurs optimistes.
Du côté français, quasiment le seul réellement actif, un site web devrait ouvrir d'ici la fin du premier semestre 2006. Si son moteur de recherche et son système de gestion des droits numériques fonctionne (n'est pas Google qui veut) il permettra aux internautes, à partir de la fin 2006, de rechercher et consulter les documents français déjà numérisés, c'est-à-dire environ 60.000 ouvrages du fonds Gallica déjà disponibles en ligne sur le site web de la BNF mais cette fois en format texte et non en format image, auxquels viendront s'ajouter quelques milliers de textes anciens libres de droits. Des oeuvres plus récentes seront également disponibles après accord sur les droits avec les éditeurs mais elles ne seront accessibles qu'en téléchargement payant. Si tout va bien, à partir de 2007, 150.000 à 200.000 ouvrages "nationaux" -- prioritairement les textes fondateurs de notre culture -- pourraient être numérisés chaque année sous l'égide de la BNE mais le budget s'éleverait à quelque 15 millions d'euros par an pour les contribuables français.
Tout cela est évidemment là assez loin du programme de Google qui prévoit lui de scanner 15 millions de livres anglo-saxons en six ans et de les mettre en ligne sur son moteur de recherche avec des millions d'autres ressources provenant des éditeurs du monde entier, ceci gratuitement et entièrement à sa charge financière d'entreprise privée.
Au vu du chantier de la BNE après une année de "lutte" numérique française, le public peut sérieusement commencer à se poser la question de savoir si la France n'aurait pas eu plus intérêt à travailler en bonne intelligence avec Google pour indexer son cher biblio-patrimoine et mettre en ligne plus rapidement et à moindre coût les ressources françaises et européennes.

La République des Lettres, vendredi 13 janvier 2006

 

 

 

 

 

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