D'un sujet aussi docte, Luciano de Crescenzo fait un bonheur de lecture. Certes, les esprits chagrins s'irriteront d'un humour parfois facile, d'une pédagogie paternaliste. Il nous oriente cependant avec efficacité dans la forêt obscure du Moyen Âge à la recherche des lumières de philosophes aussi sérieux que Boèce, qui concilia aristotélisme et christianisme, ou Scot Erigène qui permit le libre arbitre à ceux que Dieu n'avait pas élus.
Anecdotes (y compris les tentations sexuelles de l'auteur) et arrière-plans historiques permettent la compréhension des premiers penseurs chrétiens, Saint Augustin et ses Confessions, puis de théologiens aussi divers que Saint-Thomas qui sut "comment est fait Dieu" grâce à la démonstration du "Moteur immobile", le colérique Saint Jérôme qui expurgea et traduisit en latin la Bible (la Vulgate) mais ne pardonna pas aux femmes le péché de chair, Saint François qui embrassa un lépreux et parlait aux oiseaux... Mais aussi les Arabes, Avicenne et Averroès, rassemblant Aristote et le Coran; le juif Maïmonide, adepte du doute et de la tolérance avec son Guide des perplexes. Et enfin l'empirisme de Guillaume d'Ockham qui place la foi du coté de l'hypothèse.
Dans la lignée du Monde de Sophie, cette vulgarisation est un aimable marchepied vers des textes qui, tous, finissent "par renvoyer à la nécessité de l'être suprême". Nécessité ou fiction, au lecteur d'en juger.