Philippe Nemo

Philippe Nemo

1: Le miracle grec: la Cité, la science; 2: l'apport romain, le droit privé, l'humanisme; 3: l'éthique et l'eschatologie bibliques; 4: La révolution papale des XIe-XIIIe siècles; 5: l'avènement des démocraties libérales sont les 5 grands moments historiques de la constitution de l'Occident, sortes de sauts qualitatifs dans le devenir de l'Occident.

Pour Philippe Nemo, la civilisation occidentale est identifiable par cette appartenance à l'histoire de ces cinq étapes et séparable de toute autre civilisation qui n'a pas connu les mêmes moments de leur formation. Ainsi, l'Europe, au moins celle des quinze et l'Amérique du Nord font partie de la civilisation occidentale, mais pas l'Afrique, l'Asie et une partie de l'Amérique latine. En particulier la civilisation occidentale est séparable du Moyen-Orient, de la civilisation musulmane. Elle a tout à gagner si elle se constitue en confédération des Etats européens qui sont passés par ces cinq moments de leur histoire. Elle sera fragile dans le cas contraire, par exemple si l'on tente d'intégrer la Turquie à l'Europe.

Philippe Némo ne rejette pas l'idée de "Choc des civilisations" de Samuel Huntington. Il peut y en avoir un si ces nations ne cherchent ni à comprendre scientifiquement ce qui les sépare ni à se rapprocher toujours de manière savante, scientifique, philosophique, avant d'essayer d'échanger des biens et des services, ou d'entretenir des relations superficielles seulement diplomatiques, économiques, politiques...

Quelques idées contestables: l'ego de l'être humain a été forgé par le droit romain. L'individualité s'est constituée sur la propriété garantie par la loi positive, le droit établi. Autrement dit, c'est l'avoir (garanti par le droit) qui fonde l'être de la personne. Rien de cela chez Saint-Augustin qui établit avant Descartes une identification du sujet humain par lui-même, par sa propre réflexion. En ce sens, on peut même dire que la pensée rationnelle, philosophique constitutive du sujet est déjà présente chez les Grecs, Platon notamment.

Grégoire VII (pages 1073 à 1085) et les papes qui se sont succédé du XIe au XIIIe siècle ont contribué à la fondation éthique de l'Occident et au plan philosophique, plus Saint-Thomas que Saint-Augustin pour qui la Cité de Dieu ne peut être la cité des hommes. Ils ont créé les bases d'un Occident en progrès conduisant ainsi aux démocraties libérales, à une unité solide du monde occidental, à la paix dans le monde. Et à tout ce qu'il ya de meilleur sur terre...

C'est tout de même en Occident que le fléau nazi est apparu ainsi que les différents fascismes. Le totalitarisme stalinien est né sur le sol orthodoxe, non catholique il est vrai, mais le catholicisme aussi a généré ses guerres au temps des croisades et de la Saint-Barthélémy.

"L'économie de marché est (donc) essentiellement morale", conclut Philippe Nemo, page 83 de son analyse du libéralisme économique. Ce livre a été publié en 2004, puis réédité en 2005. L'auteur connaissait pourtant le crise de 1929 du monde capitaliste mais ignorait il est vrai la crise mondiale de 2009 due principalement à la spéculation financière et aux surprofits, à l'endettement des banques, etc. "Essentiellement morale, l'économie de marché ?"

Une idée implicite traverse ce livre d'un bout à l'autre, c'est celle du progrès de l'humanité. Comme elle n'est pas thématisée mais est incluse dans la logique du discours de Philippe Némo, l'histoire de l'Occident ainsi défini pas ses cinq moments est synonyme de progrès. Or, qu'en est-il du progrès de l'humanité ? Mythe ou réalité ? Si c'est une réalité, en quoi le devenir de la civilisation occidentale est-il aussi celui du progrès de l'humanité et la condition de la paix dans le monde ?

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Philippe Nemo, Qu'est-ce que l'Occident ? (Éditions Presses Universitaires de France, Collection Quadrige).

Copyright © Roland Llinares / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 22 février 2010. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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