Tzipi Livni

Tzipi Livni

Londres est dans ses petits souliers devant Israël. Se basant sur le principe de "compétence universelle" de la justice britannique, un juge de Westminster a osé émettre un mandat d'arrêt contre Tzipi Livni à la suite d'une plainte de familles de victimes palestiniennes. Il poursuit l'ex-ministre des Affaires étrangères israélienne, actuellement présidente du parti Kadima, pour crimes de guerre en raison du rôle actif qu'elle a joué durant l'offensive militaire israélienne de l'hiver dernier dans la bande de Gaza (1.400 Palestiniens tués, la plupart civils, selon le Rapport Goldstone des Nations Unies qui fait officiellement le constat de crimes de guerre et, possiblement, de crimes contre l'humanité). Craignant d'être arrêtée, Tzipi Livni a annulé le voyage qu'elle devait effectuer le week-end dernier à Londres pour participer à un congrès du KKL, le Fonds national juif de soutien à Israël.

Du coup Israël s'est fâché tout rouge. L'Etat juif a vivement critiqué la décision du tribunal britannique et a tancé la Grande-Bretagne, l'avertissant qu'elle ne pourrait plus participer à l'interminable "processus de paix" au Proche-Orient si elle ne prenait pas des mesures pour modifier sa législation afin de mettre les responsables israéliens hors d'atteinte de la justice. Le cas Tzipi Livni n'est en effet pas le premier. Le ministre de la Défense israélien Ehud Barak, venu rencontrer officiellement le Premier ministre anglais Gordon Brown, n'a pu échapper de justesse à la justice en septembre dernier que grâce à son immunité diplomatique. Avant lui encore, le général Doron Almog a dû quitter précipitamment la Grande-Bretagne après avoir été informé de son éventuelle arrestation par la police de sa Majesté. Quant à Moshe Yaalon, actuel vice-Premier ministre et ancien chef de Tsahal, il a lui carrément renoncé à faire le déplacement dans la capitale britannique pour les mêmes motifs.

"Israël rejette la procédure judiciaire cynique engagée contre Tzipi Livni et appelle le gouvernement à honorer une fois pour toutes sa promesse de prendre des mesures pour empêcher les forces anti-israéliennes d'exploiter le système judiciaire britannique", a tonné le ministre des Affaires étrangères israélien devant Tom Phillips, l'ambassadeur de Grande-Bretagne convoqué en urgence, ajoutant que "les relations entre les deux pays pourraient pâtir de l'absence d'action immédiate et décisive pour corriger ces anomalies".

Tzipi Livni a de son côté rejeté "toute accusation qui compare les soldats israéliens à des terroristes". Elle assume la responsabilité des décisions prises lors de l'offensive militaire baptisée "Plomb durci", "dont les objectifs étaient de protéger la population du sud du pays et de restaurer le pouvoir de dissuasion d'Israël", et défend son action dans les massacres de Gaza: "Mandat d'arrêt ou pas, Israël devait faire ce qui est juste. C'est le rôle d'un dirigeant", affirme-t-elle.

Londres, plus qu'embarrassé, a immédiatement retiré le mandat d'arrêt intempestif. "Le gouvernement examine de façon urgente les façons de changer son système judiciaire afin d'éviter des cas similaires à l'avenir", a déclaré le chef du Foreign Office, David Miliband, qui a en outre tenu à souligner qu'Israël était "un partenaire stratégique et un ami proche de la Grande-Bretagne".

Outre la volonté de faire aboutir les conclusions du rapport Goldstone devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye, l'objectif des organisations palestiniennes est que chaque pays doté de lois dites de "compétence universelle" -- c'est le cas en Europe entre autres du Royaume-Uni, de l'Espagne, de la Belgique et de la France -- poursuive les dirigeants israéliens responsables de la guerre de Gaza lorsqu'ils sont de passage sur leur territoire, afin qu'ils soient traduits en justice comme criminels de guerre.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 15 décembre 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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