Emprunt Sarkozy

Emprunt Sarkozy

Afin que la France soit présente "au rendez-vous de l'avenir", Nicolas Sarkozy lance un Grand emprunt national de 35 milliards d'euros.

Cette somme sera financée courant 2010 par 22 milliards d'euros "levés sur les marchés" et par le recyclage de 13 milliards d'aides remboursés à l'Etat par les banques. Nicolas Sarkozy ne s'adressera donc pas aux particuliers pour recueillir 100 milliards d'euros, comme il était initialement prévu, mais au marché seulement, pour 22 milliards, afin de limiter le coût de l'opération financière.

Il a énoncé ce lundi les cinq secteurs stratégiques, choisis sur proposition de la commission Alain Juppé / Michel Rocard, qui bénéficieront de ces milliards: l'Enseignement supérieur et la formation (11 milliards d'euros pour avoir "les meilleures universités du monde" et une dizaine de nouveaux "campus d'excellence"), la Recherche (8 milliards pour des "entreprises de valorisation" ainsi que pour la santé, les instituts hospitalo-universitaires et les biotechnologies), l'Industrie et les PME (6,5 milliards pour l'aéronautique, le spatial, l'automobile, le ferroviaire et la construction navale), le Développement durable (5 milliards, à raison "d'un euro pour le renouvelable, un euro pour le nucléaire") et le Numérique (4,5 milliards pour l'Internet haut-débit et la numérisation du patrimoine culturel via "un grand partenariat public-privé").

Selon le président de la République, ces 35 milliards d'investissements publics ne constituent pas un "plan de relance bis". Le grand emprunt peut "contribuer" à la croissance, a-t-il souligné, "mais nous ne sommes pas du tout dans une affaire conjoncturelle", a-t-il poursuivi, affirmant attendre de son emprunt national "des résultats à long terme".

L'opposition n'est pas vraiment rassurée par cet Emprunt Sarkozy qui s'ajoute aux quelque 250 milliards d'euros déjà empruntés par l'Etat en 2009, alors que la dette frise le record de 84% du PIB et que le paiement des intérêts de celle-ci coûte 54 milliards d'euros par an aux Français.

Le Parti Socialiste y voit une "dette supplémentaire" et conteste en outre sérieusement "les modalités de financement", rappellant au passage les dépenses coûteuses et inutiles qui ont précédé comme la baisse de la TVA sur la restauration ou encore le bouclier fiscal, véritable cadeau de Nicolas Sarkozy aux riches. Pour Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, le grand emprunt Sarkozy "présente la double caractéristique d'avoir singulièrement rétréci au lavage, ce qui rend son efficacité des plus aléatoires, et de grossir la dette, avec tous les risques que ce soient les ménages et les collectivités locales qui aient à acquitter la facture". Pour François Hollande, ce "grand emprunt d'aujourd'hui sera le grand impôt de demain" [...] "La France est dans une spirale de l'endettement public".

Les Verts estiment pour leur part que l'Emprunt Sarkozy est "loin de satisfaire à la conversion écologique de l'économie", "en dessous des attentes" et "à côté des enjeux". Selon le parti écologiste, "les priorités annoncées semblent avoir été piochées dans un catalogue d'idées à la mode, sans véritable ligne directrice ni cohérence entre elles".

Le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon constate lui que "Nicolas Sarkozy vient de se livrer à un exercice d'illusionniste avec ses annonces sur ce grand emprunt" [qui] "prépare de nouvelles coupes sombres dans les services publics".

Pour mémoire, les divers grands emprunts nationaux lancés depuis un demi-siècle en France ont connu des succès divers. L'Emprunt d'Antoine Pinay (1952) présentait un rendement modéré (3%) mais bénéficiait d'une exemption fiscale totale. L'Emprunt de Valéry Giscard d'Estaing (1973) rapporta à l'Etat 7 milliards de francs, mais son remboursement a coûté près de 80 milliards en raison de la dévaluation du franc. L'Emprunt d'Edouard Balladur (1993) avait permis de lever 110 milliards de francs (16,7 milliards d'euros) contre 40 milliards de francs initialement attendus. Son remboursement en actions avait évité à l'Etat une note trop salée.

Selon un sondage BVA / Les Echos réalisé en novembre dernier, 54% des Français refusent de soutenir le grand emprunt de Nicolas Sarkozy. Un autre sondage Viavoice publié aujourd'hui dans Libération indique que 57% jugent son bilan face à la crise économique et financière "négatif". 77% jugent sa politique économique "inefficace contre le chômage" et 75% "inefficace pour lutter contre les inégalités". En revanche, 57% pensent que Nicolas Sarkozy a surtout été efficace "pour sauver le système bancaire". 84% se disent au final inquiets pour leur pouvoir d'achat.

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 14 décembre 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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