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La République des Lettres

Abdelkébir Khatibi

Abdelkébir Khatibi
Triptyque de Rabat

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0122-0
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
Disponible chez • AmazoniTunes

Astor Piazzolla

Astor Piazzolla

Les traditionnalistes sont nombreux dans le monde du tango et l'expression Nouveau Tango, qu'elle soit appliquée aux styles de danse ou à la musique, a encore la faculté de les agacer prodigieusement, même si ce concept date déjà d'au moins un demi-siècle en matière de musique (disons depuis Astor Piazzolla) et un quart de siècle en matière de danse et d'enseignement (disons depuis Gustavo Naveira). Les purs et durs de l'orchestre tipica, du tango dansé salon ou milonguero des années '40 et de l'enseignement par mimétisme ont toujours été très virulents, peut-être même encore plus aujourd'hui qu'hier et à Paris qu'à Buenos Aires.

Astor Piazzolla a du supporter presque toute sa vie les sarcasmes et les attaques de cette famille réactionnaire. Il faut dire qu'il n'hésitait pas non plus à les provoquer en affirmant par exemple que le tango dont ils étaient si fiers était musicalement pauvre et sans variété rythmique. Lorsque, le premier, il s'est mis à mêler la musique concertante classique et contemporaine avec celle du tango populaire, à y ajouter les sons des guitares électriques, les rythmes du rock et les harmonies du jazz, ils l'ont traité avec mépris, le qualifiant de "clown" ou de "musicien dégénéré" qui n'avait absolument rien compris au tango. Ce n'est qu'au moment de sa mort que beaucoup d'argentins ont réalisé que le monde entier lui rendait hommage. Astor Piazzolla était reconnu partout ailleurs dans le monde comme un des plus grands musiciens du XXe siècle et un génie qui avait renouvellé le tango argentin, et ce malgré leur traditionnalisme chauvin qui voudrait que ce qui est né, certes en Argentine, mais d'un métissage culturel, ne continue pas à s'enrichir d'autres cultures et innovations au fil des ans. Sans Astor Piazzolla, sans ses expérimentations avant-gardistes, sans la révolution et la résistance musicale qu'il a menées avec quelques amis ou disciples des années '50 à '80 alors que tous les autres musiciens et danseurs de talent travaillaient sur autre chose, le tango serait sans doute aujourd'hui bel et bien mort et enterré définitivement.

Richard Galliano est aussi un de ces créateurs cosmopolites nourri de multiples influences et adepte des métissages et des recherches transmusicales. Né à Cannes en 1950 d'un père italien prof d'accordéon, il commence à jouer très tôt du piano, du trombonne et de l'accordéon. Après des études au Conservatoire de Nice où il obtient le 1er Prix d'Excellence en 1969, il monte à Paris et travaille dans l'univers de la chanson française, jouant et composant notamment avec Claude Nougaro, Barbara, Serge Reggiani, Charles Aznavour, Juliette Greco, Georges Moustaki, ou plus récemment Catherine Ringer des Rita Mitsouko. A partir des années '80 on le trouve aux côtés des grands du jazz : Chet Baker, Joe Zawinul, Michel Petrucciani, Michel Portal,... Sa rencontre avec Astor Piazzolla date de 1983, lorsqu'il est invité à collaborer en tant que premier bandonéon au Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, dont Piazzolla compose la musique pour une mise en scène de Jorge Lavelli à la Comédie Française. Il accompagnera et travaillera ensuite souvent à Paris avec celui qui est devenu son maître et son ami jusqu'à sa mort en 1992. Elu meilleur musicien de jazz en 1993, il enchaînera bientôt les tournées internationales et les albums -- une douzaine à ce jour -- dont on citera en particulier New Musette (1991), New-York Tango (1996, avec entre autres le guitariste gitan Bireli Lagrene), Blow Up (1996) et A French Touch (1998). Depuis le début des années '90, Richard Galliano a ainsi généré un nouveau genre, écrit un nouveau chapitre de la musique moderne, inventé un nouveau langage musical étiqueté "Nouveau Musette" où il associe brillament jazz, tango et surtout accordéon, cet instrument du Bal Musette et de la Java française qui était passé de mode et s'était égaré dans les mêmes 30 années de désert que le bandonéon du Tango argentin. C'est d'ailleurs sur le conseil d'Astor Piazzolla, qui avait bien compris que les musiques populaires sont éternelles, qu'il a été incité à mêler le jazz à la musique populaire française de ses origines et qu'il s'est lancé dans cette aventure musicale du "New Musette".

Aujourd'hui il rend un bel hommage à son ami dont l'oeuvre a influencé tout son travail avec un album intitulé Piazzolla Forever (Dreyfuss Jazz) qui fut enregistré en "live" 2 pistes lors d'un concert passionné au Festival de Willisau en août 2002 avec son septet (bandonéon, accordéon, piano et cordes) composé entre autres de plusieurs musiciens du classique comme Jean-Marc Phillips-Varjabédian (violon) ou Henri Demarquette (violoncelle). Un album riche de deux pièces originales dont un éclatant Laura et Astor, véritable ode à l'amour, et d'une dizaine d'arrangements à sa manière des titres les plus célèbres du maître dont le fameux Libertango improvisé en solo. Il y a mis tout son talent, tout son génie de l'accordéon, toute sa ferveur de jazzman bandonéoniste et toute la reconnaissance qu'il porte à Piazzolla. Un album de beauté et de rage, de nostalgie, d'énergie, d'émotion, de vie et de mort, un album qui tangue et qui swingue.

Copyright © Noël Blandin / La République des Lettres, Paris, mardi 10 juillet 2003. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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