Entamée avec Les Ombres errantes, prix Goncourt 2002, la longue traversée en solitaire de Pascal Quignard connaît sa sixième étape. Dans cette Barque silencieuse, l'écrivain épris des Lumières, qu'on imagine retiré du vaste monde pour mieux goûter les saveurs de la solitude, livre un recueil de résistance et de méditation. Un athéisme non exempt de mysticisme, l'affirmation de l'individu et de son libre choix... Autant d'aspirations humanistes qui apparaissent à l'écrivain en grand danger dans un monde où tout est connecté et surveillé. Il les défend dans un récit mêlant nouvelles, poèmes, anecdotes et maximes, dans un style parfois déroutant mais dont la succession -- au fil de l'eau, comme le suggère le titre -- offre une impression de liberté. Sans souci de rendre des comptes, Pascal Quignard invoque philosophes et auteurs classiques pour défendre notamment l'idée que l'athéisme, le suicide ou la solitude sont des libertés à domestiquer plutôt que des anomalies à dissimuler ou à craindre. "Je nomme athée celui qui vit sans dieux (...), dont les moeurs ne s'appuient pas sur des rites, dont la pensée est sauve de toute référence à dieu, diable, démon, hallucination, amour, obsession, dont la mort est accessible à l'idée de suicide", écrit-il en guise de profession de foi laïque. Un livre pour penser le monde différemment.
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Pascal Quignard, La Barque silencieuse (tome 6 de Dernier royaume, Éditions du Seuil).