Eric Raoult

Eric Raoult

Eric Raoult, ex-sous-ministre de Chirac chargé de l'Intégration, actuel président de l'Association des Élus Amis d'Israël (ADELMAD) et inénarrable député-maire UMP du Raincy (Seine-Saint-Denis), veut créer un "devoir de réserve" pour les écrivains lauréats du prix Goncourt.

Alerté par son épouse, il s'en prend directement à l'auteure française d'origine sénégalaise Marie NDiaye, Prix Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes, et a adressé en fin de semaine dernière une question parlementaire au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. Sans complexe, il y explique que le message délivré par les lauréats du Prix Goncourt, "prix littéraire français le plus prestigieux regardé en France mais aussi dans le monde [...] se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays" et que les "prises de position de Marie NDiaye publiées dans la presse [...] sont inacceptables". Selon lui, ses propos sur Brice Hortefeux et Eric Besson, respectivement ancien et nouveau ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale du régime sarkozyste, sont "peu respectueux voire insultants, à l'égard de ministres de la République et plus encore du chef de l'État". Il estime qu'une "personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France [...] doit respecter le rôle et le symbole qu'elle représente" et demande en conséquence à Frédéric Mitterrand "ce qu'il compte entreprendre [...] pour rappeler les lauréats à ce nécessaire devoir de réserve". Suggestion: sous peine d'être déchus de la nationalité française, les écrivains devront désormais soumettre leurs écrits à un bureau de la censure, prendre une carte d'adhérent à l'UMP et chanter La Marseillaise avant d'être autorisés à publier.

C'est au mois d'août dernier -- soit bien avant son Prix Goncourt -- que Marie NDiaye s'était exprimé dans le cadre d'un entretien publié par le magazine Les Inrockuptibles. À la question Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ?, elle avait répondu: "Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (ndlr: elle, son compagnon écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d'être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j'ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je me souviens d'une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j'aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit: "La droite, c'est la mort". Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d'abêtissement de la réflexion, un refus d'une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n'a rien à voir avec la droite de Sarkozy: elle a une morale que la droite française n'a plus".

L'année dernière, l'écrivain Atiq Rahimi, également Prix Goncourt, avait lui aussi pris position contre la politique d'immigration de la France de Nicolas Sarkozy, critiquant notamment l'expulsion de réfugiés afghans.

Pour Patrick Rambaud, juré du Prix Goncourt interrogé par L'Express, "l'identité française consiste justement à pouvoir dire ce que l'on veut, et ceci depuis Vercingétorix".

Copyright © Jean Bruno / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 10 novembre 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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