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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Arno Klarsfeld

Arno Klarsfeld

L'avocat franco-israélien Arno Klarsfeld, qui représentait l'association des Fils et filles des déportés juifs de France lors du procès de Maurice Papon, a été chargé par Nicolas Sarkozy de mener un "travail approfondi sur la Loi, l'Histoire et le Devoir de mémoire".

Il a pour tâche d'éclairer l'actuel président de l'UMP sur plusieurs textes de loi aujourd'hui contestés concernant l'Histoire de la France. Il s'agit en premier lieu bien sûr de la loi du 23 février 2005, dont l'article 4 précise que les manuels scolaires doivent mentionner "le rôle positif de la présence française outre-mer", à l'origine d'une pétition lancée le 12 décembre dernier par une vingtaine d'historiens et intellectuels de renom estimant que ce n'est pas au Parlement "d'édicter des vérités historiques", mais aussi de la loi Gayssot du 13 juillet 1990 sur la négation de crimes contre l'humanité ou des lois Lois Accoyer du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien et Taubira du 21 mai 2001 sur l'esclavage et la traite des Noirs reconnus comme crimes contre l'humanité. Toutes ces lois, passés inaperçues lors de leur vote sont remises en question dans une polémique qui fait rage entre intellectuels et communautaristes de tous bords. Nicolas Sarkozy a lui-même fait les frais de la querelle -- et sans doute aussi de son attitude générale envers les minorités --, ayant dû renoncer à un déplacement aux Antilles en raison de la colère des populations noires locales.

Officiellement la mission d'Arno Klarsfeld vise selon Sarkozy à "accompagner la réflexion" du président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré, à qui Jacques Chirac a déjà confié une mission d'évaluation de "l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'Histoire". Officieusement, le leader de la Droite dure ne cache pas ses arrières-pensées démagogiques et politiciennes. Outre l'occupation du terrain médiatique qu'il ne quitte plus depuis plusieurs mois, cette initiative lui permet à peu de frais d'abord de se démarquer de Jacques Chirac et du Premier ministre Dominique de Villepin qui, à l'instar des historiens, ont tous deux affirmé qu'il ne revenait effectivement pas au Parlement d'écrire l'histoire. Ceci tout en phagocytant la commission du Chef de l'Etat pour en orienter les conclusions et en tirer les éventuels bénéfices politiques. Surtout, se positionnant en garant de la mémoire et jouant une fois de plus la carte des communautarismes en s'offrant les services d'un représentant de la communauté juive qui juge pernicieux à son égard d'amalgamer les lois françaises sur le négationnisme à celles sur la colonisation, le candidat à l'élection présidentielle 2007 se met à l'écart des attaques et dérives toujours possibles sur le terrain passionnel des mémoires et des sensibilités communautaires, tout en provisionnant un certain nombre de futurs soutiens et bulletins de vote.

Maître Arno Klarsfeld, militant sioniste à double nationalité franco-israélienne, engagé volontaire dans Tsahal (l'armée israélienne), très médiatique fils des chasseurs de nazis Serge et Beate Klarsfeld et "avocat de la mémoire et de la vérité" selon la lettre de mission de Sarkozy, se déclare choqué par la pétition des historiens qui, dit-il, traduit leur volonté de confisquer l'Histoire. Il estime en effet que "Si ce n'est pas au législateur de rédiger l'histoire, c'est à lui de fixer des bornes morales et la morale, on ne peut la prendre ailleurs que dans l'histoire." Son objectif ne semble donc pas de répondre aux voeux des intellectuels, historiens, associations anti-racistes ou de Droits de l'homme et milliers de citoyens qui demandent un débat de fond mais plutôt d'étouffer la polémique actuelle en proposant, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, de réécrire en bon normand la seule loi du 23 février 2005. Celle-ci pourrait selon lui indiquer que les programmes scolaires reconnaissent à la fois les méfaits et les aspects positifs de la colonisation, ce qui satisferait sans doute tout le monde sur ce sujet précis mais évacuerait le débat de fond sur l'ensemble des dispositions législatives relatives entre autres au négationnisme et aux crimes contre l'humanité.

Accessoirement, on notera que Arno Klarsfeld a déjà été employé par Nicolas Sarkozy. Responsable du département des Hauts de Seine et donc de la Direction départementale de la sécurité publique, celui-ci l'a en effet chargé en 2004 de donner une série de cours sur "l'antisémitisme, Israël et l'actualité du Proche-Orient" aux policiers du département. Parmi les autres intervenants de cette formation professionnelle très spéciale, le journaliste-philosophe Alain Finkielkraut, qui s'est récemment fait remarquer par des propos particulièrement stupides et haineux contre les jeunes français d'origine africaine ou arabe des banlieues. Attaqué par les associations anti-racistes, Alain Finkielkraut avait d'ailleurs reçu le soutien officiel du ministre de l'intérieur qui avait déclaré que celui-ci "fait honneur à la pensée française".

Nul doute que, flanqué de ces trois histrions outrancieusement provocateurs -- Sarkozy, Klarsfeld, Finkielkraut --, tous aussi farouches communautaristes qu'adeptes des dérapages verbaux, Jacques Chirac sera bien conseillé en matière de mémoire et d'identité de la France.

Copyright © Hortense Paillard / , Paris, samedi 24 décembre 2005. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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