Mountazer al Zaïdi

Mountazer al Zaïdi

Né le 15 janvier 1979, de confession musulmane chiite, diplômé en Communication de l'Université de Bagdad et employé comme journaliste depuis 2005 par la chaîne de télévision irakienne Al-Baghdadia TV, Mountazer al-Zaïdi est l'auteur du célèbre attentat à la chaussure contre George W. Bush.

Le 14 décembre 2008, lors d'une conférence de presse à Bagdad, le journaliste n'hésite pas à lancer ses deux chaussures de taille 43 à la figure de l'ex-président américain en criant "c'est un baiser d'adieu, espèce de chien" [...] "Tu es responsable de la mort de milliers d'Irakiens !". Dans la culture arabe, jeter ses chaussures à la tête de quelqu'un et le traiter de "chien" est considéré comme la plus grave des insultes. Les chaussures n'atteignent toutefois pas leur cible, George Bush les esquivant de justesse, et le journaliste est arrêté manu militari par les services de sécurité qui lui cassent un bras et des côtes.

À l'époque, "l'attentat", filmé, symbolisant la colère et la frustration du monde arabo-musulman après huit années d'administration Bush, est diffusé en boucle sur internet et par les télévisions du monde entier, transformant Mountazer al-Zaïdi en héros vengeur et icône de la résistance contre l'occupation américaine. Des manifestations de soutien pour exiger sa libération ont lieu dans de nombreux pays arabes, en particulier au Caire (Egypte) et à Rabat (Maroc), mais aussi à Londres (Royaume-Uni); le mouvement anti-occupation irakien du chef radical Moqtada Sadr, la milice chiite libanaise Hezbollah ou les groupes armés palestiniens de Gaza le couvrent de louanges; le parlement jordanien observe une minute de silence en signe de solidarité, des centaines d'avocats se proposent pour assurer sa défense gratuitement, des télévisions arabes lui proposent un emploi (l'une d'entre elles, la libanaise NTV, propose même de le salarier "à compter de l'instant où la première chaussure a été lancée"), le président vénézuélien Hugo Chavez vante publiquement son courage et la fille du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi le décore de "l'ordre du courage". La marque de chaussures Baydan doit pour sa part faire face à un afflux de centaines de milliers de commandes du "modèle 271", judicieusement rebaptisé "Bush shoes".

Le procès de Mountazer al-Zaïdi devant la Cour criminelle centrale d'Irak, qui s'occupe généralement des affaires de terrorisme, débute le 19 février 2009. Le journaliste anti-Bush risque alors jusqu'à quinze ans de prison pour "agression contre un chef d'Etat étranger en visite officielle". Il demande l'asile politique à la Suisse et ses avocats envisagent de plaider la "liberté d'expression". Le président du tribunal annonce toutefois l'ajournement de l'audience, car la cour souhaite obtenir un supplément d'informations sur "la nature officielle ou non de la visite de l'ex-président américain". Le 12 mars 2009, Mountazer al-Zaïdi est jugé. Lors de l'audience, il explique son geste: "J'avais l'impression que le sang des personnes innocentes se répandait sur mes pieds alors que George Bush souriait et venait dire au revoir à l'Irak". [...] "Il parlait des victoires et des réussites en Irak mais moi ce que je vois en matière de réussite, c'est un million de martyrs, le sang versé, les mosquées perquisitionnées, les Irakiennes violées, les Irakiens humiliés". Il est condamné à trois ans de prison ferme pour "voie de fait sur la personne d'un chef d'Etat étranger". Ses avocats font appel de la condamnation. La haute cour irakienne ramène sa peine en seconde instance à un an de prison ferme, en raison de son absence d'antécédents judiciaires. Le 15 septembre 2009, Mountazer al Zaïdi est finalement libéré pour bonne conduite, après avoir purgé les trois quarts de sa peine à la prison de la base militaire de Mouthanna. À sa sortie, il affirme avoir été torturé pendant sa détention: "Au moment où Nouri al-Maliki [premier ministre d'Irak] expliquait à la télévision qu'il ne dormait pas tant qu'il ne serait pas rassuré sur mon sort, j'étais frappé à coups de câbles électriques et de barres de fer; mes geôliers ont simulé des noyades (technique employée par la CIA)".

Mountazar al-Zaidi indique qu'il renonce à son emploi à Al-Baghdadia TV. Il ira à l'étranger, notamment dans les pays arabes, pour remercier toutes les personnes qui l'ont soutenu. Il utilisera sa notoriété mondiale et l'argent promis par ses admirateurs -- l'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, va jusqu'à lui offrir un cheval en or -- au profit de diverses causes humanitaires et sociales.

Le lancer de chaussures est désormais un moyen de protestation populaire dans le monde entier.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 8 août 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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