Israël / Palestine

Israël / Palestine

Le président américain Barack Obama a reçu hier à Washington le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. L'occasion pour les deux hommes de se jauger. Sourires et poignées de main étaient de mise sans toutefois parvenir à cacher les profonds désaccords entre les deux dirigeants. Si les Etats-Unis restent le principal allié d'Israël, la relation a fortement évolué avec l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche en janvier dernier et la lune de miel entre les faucons israéliens et les néocons de l'ère guerrière de George W. Bush semble bien terminée. Malgré l'influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis, incarné notamment par le très agressif American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), Barack Obama n'a jamais caché son intention de rééquilibrer la politique américaine au Proche-Orient. Dès son investiture, son premier geste a été d'appeler le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ce avant même un contact avec le premier ministre israélien Ehud Olmert, jusqu'alors considéré comme l'interlocuteur privilégié de Washington. En appelant à un nouveau partenariat avec le monde musulman "basé sur le respect et l'intérêt mutuel", en déclarant que les Etats-Unis "ne seront jamais en guerre contre l'Islam" et en renouant le dialogue avec l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad et la Syrie de Bachar el-Assad, Barack Obama a donné des gages au monde arabo-musulman et montré sa volonté d'oeuvrer au règlement du conflit israélo-palestinien, quitte à fâcher les dirigeants israéliens va-t-en-guerre.

Hier, lors du face-à-face de trois heures avec Benyamin Nétanyahou, le président américain a clairement appelé à la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Favorable à un plan de paix incluant une "solution à deux Etats", il a réafirmé son souhait de voir la création d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat israélien. Sans surprise, Benyamin Netanyahou a pour sa part campé sur ses positions. Tout en jugeant "possible" qu'Israéliens et Palestiniens vivent un jour côte à côte, il a refusé de participer à la création d'un Etat palestinien qui, selon lui, serait voué à devenir un "Hamastan" (en référence au mouvement islamiste Hamas qui contrôle actuellement la Bande de Gaza). Il a en outre réitéré comme condition préalable à toute avancée du processus de paix la reconnaissance par les Palestiniens du caractère "juif" de l'Etat d'Israël, ce qui impliquerait par contrecoup le non-retour des familles palestiniennes chassées de leurs terres lors de la création d'Israël en 1948. Autre point de vue divergent avec Barack Obama, celui des colonies de peuplement juives dans les territoires occupés. Le président américain a rappelé la feuille de route de 2003 du Quartet pour la paix au Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Union européenne et Nations unies) qui fixe clairement à Israël l'obligation de geler la colonisation illégale des Territoires palestiniens. Le premier ministre israélien n'a rien déclaré de concret sur la question mais ses faits et ses discours récents démontrent qu'il entend bien continuer "l'oeuvre" de ses prédecesseurs en la matière. Il a préféré mettre l'accent sur un autre dossier, celui du programme nucléaire iranien, dont l'Etat hébreu se croit être la cible. Sur ce dossier, le président américain a remisé la rhétorique belliciste de l'administration Bush pour confirmer qu'il optait délibérément pour la voie diplomatique. L'Amérique d'Obama, échaudée par l'aventure guerrière de George W. Bush en Irak, et sérieusement à la peine en Afghanistan, n'a en effet guère envie de se voir entraînée dans une nouvelle guerre. Malgré la demande pressante de Benyamin Netanyahou, le président américain s'interdit donc de fixer un "calendrier artificiel" en vue d'éventuelles "sanctions" contre l'Iran. Un revirement guère satisfaisant pour Israël, qui voit d'un mauvais oeil cette main tendue de Washington à Téhéran et dit vouloir se réserver l'option militaire.

Bref, les divergences entre l'administration américaine et le gouvernement israélien sont désormais officiellement étalées au grand jour et, contrairement à George Bush, Barack Obama refuse de cautionner les stratégies dilatoires entretenues par Israël depuis 60 ans afin de retarder la naissance d'un Etat palestinien. Sa Secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, s'active en coulisses pour élaborer un plan de paix global impliquant la reconnaisse d'Israël par les 57 pays arabo-musulmans en contrepartie de la création de l'Etat palestinien, comme le réclame depuis 2002 la Ligue arabe. Ce plan pourrait aussi remettre sur la table certaines avancées concrètes du processus d'Oslo élaboré sous Bill Clinton dans les années 1993-2001, comme entre autres le Protocole de Taba. Reste à savoir si les grands points de friction -- Etat palestinien dans les frontières de 1967 (ce qui implique un retrait israélien de tous les territoires occupés illégalement: Cisjordanie, Jérusalem-Est et Golan syrien), droit au retour des réfugiés palestiniens, Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine -- peuvent être enfin résolus. Reste également à voir si les leaders de l'extrême-droite raciste et nationaliste actuellement au pouvoir en Israël, tels Avigdor Lieberman, peuvent envisager une autre logique que la guerre permanente contre leurs voisins arabo-musulmans. De même dans le camp du Hamas, pour qui la nouvelle politique des Etats-Unis ne montre aucun changement substantiel sur le terrain. Elle "ne fait pas pression sur Israël pour mettre fin au blocus contre la Bande de Gaza et n'apporte aucun espoir d'avenir pour notre peuple", a déclaré le mouvement islamiste à la suite de la rencontre Obama / Netanyahou.

Le président égyptien Hosni Moubarak et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas seront reçus à la Maison Blanche les 26 et 28 mai prochains pour discuter du dossier israélo-arabe. Si les discussions avancent, Barack Obama pourrait dévoiler les contours du nouveau plan de paix américain lors de son voyage en Egypte, le 4 juin prochain.

Copyright © A. M. Levy / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 19 mai 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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