Israël / Bande de Gaza

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Nous nous sommes tellement habitués au carnage au Moyen-Orient que nous ne réagissons même plus, sauf lorsqu'il y a offense à Israël. Combien y-a-t-il de civils morts à Gaza ? ce n'est pas très clair, mais la réponse de l'administration Bush réaffirme aux Arabes ce qu'ils savent déjà depuis longtemps: alors qu'ils luttent contre leur ennemi, l'Occident prendra toujours le parti d'Israël en dépit même de ses crimes car comme d'habitude le bain de sang est de la faute des Arabes qui, comme on sait, ne comprennent bien que le langage de la force. Et toujours M. Bush (père) ou M. Clinton ou M. Bush Jr. ou M. Blair ou M. Brown demandent aux deux côtés d'exercer de "la retenue", comme si Palestiniens et Israéliens avaient chacun des F-18, des colonnes de chars d'assaut et des régiments d'artillerie. Les roquettes artisanales du Hamas ont tué vingt Israéliens en huit ans, mais les bombardements de l'aviation israélienne tuent 300 Palestiniens en une seule journée: c'est du pareil au même. Les massacres sanguinaires à grande échelle opérés par Israël relèvent désormais de la routine. Il est inutile d'en parler.

Oui, le Hamas a provoqué la colère d'Israël, de même qu'Israël a provoqué la colère du Hamas, qui a été provoquée par Israël, qui a été provoqué par le Hamas, qui... etc. Le Hamas tire des roquettes sur Israël, Israël bombarde le Hamas, le Hamas tire plus de roquettes, Israël bombarde à nouveau,... Pigé ? L'Occident réclame la sécurité pour Israël, bien, mais quid du massacre massif et complètement disproportionné d'Israël ? Madeleine Albright a déclaré un jour qu'Israël était "assiégé", comme si "l'armée palestinienne" était dans les rues de Tel-Aviv.

Cette semaine, le taux de change s'est élevé à 296 Palestiniens morts pour un Israélien mort. En 2006, on avait dix morts libanais pour un mort israélien. Ce week-end a connu le taux de change le plus inflationniste depuis la Guerre du Kippour de 1973 ? La guerre de Six jours de 1967 ? La Crise du Canal de Suez de 1956 ? La guerre de l'Indépendence de 1948 ? C'est obscène mais c'est un "jeu" qu'Ehud Barak, le Ministre de la Défense israélien, admet inconsciemment à la télévision: "Notre intention est de complètement changer les règles du jeu", dit-il. Sauf que les "règles du jeu" ne changent jamais. C'est un énième dérapage sur les échanges arabo-israéliens, un nouveau glissement de pourcentage encore plus impressionnant que le crash de Wall Street mais comme d'habitude sans intérêt pour les Etats-Unis qui, rappelons-le, livrent les F-18 et les missiles Hellfire (feux de l'enfer) qu'ils demandent à Israël d'utiliser "avec modération" à chaque conflit.

La plupart des morts de la semaine seraient dit-on des membres du Hamas, mais qu'est-ce que cela est censé résoudre ? Est- ce que l'on imagine sérieusement entendre le Hamas dire: "Oh la-la, ce bombardement aérien est très impressionnant et nous allons reconnaître l'Etat Juif, déposer les armes, prier pour que nous soyons fait prisonniers et supporter un nouveau "processus de paix" Israélo-américain au Proche-Orient !" Est-ce vraiment cela que les Etats-unis et Israël attendent du Hamas ? Souvenons-nous du cynisme du Hamas, le cynisme de tous les groupes Islamistes armés. Leur besoin de martyrs musulmans leur est aussi essentiel que Israël a besoin de le créer. La leçon qu'Israël croit enseigner -- allez en enfer ou nous vous écraserons -- n'est pas la leçon que le Hamas apprend. Le Hamas a besoin de la violence pour mettre l'accent sur l'oppression des Palestiniens et il compte sur Israël pour lui fournir cette violence. Quelques roquettes artisanales tombent sans faire de victimes sur Israël et Israël répond comme d'habitude par un bain de sang.

Pas un gémissement de Tony Blair, l'envoyé pour la paix au Moyen-Orient, qui n'est jamais allé à Gaza au titre de cette fonction. Pas un mot. Nous n'entendons que la propagande israélienne ordinaire emplir les médias occidentaux. Le Général Yaakov Amidror, ex-chef de la de la division d'évaluation et recherche de l'armée israélienne, déclare "qu'aucun pays dans le monde ne permettrait à ses citoyens d'être pris pour cible d'attaques de roquettes sans prendre des mesures fortes pour les défendre". Bien. Mais quand l'IRA tirait des mortiers sur la frontière en Irlande du Nord, quand leurs militants franchissaient cette dernière pour attaquer des postes de police anglais, la Grande-Bretagne a-t-elle envoyé la RAF bombarder l'Irlande ? La RAF a-t-elle bombardé les églises, les centrales électriques et les bâtiments administratifs ? A-t-elle tué 300 irlandais en une nuit pour faire la leçon à l'IRA ? Non, elle ne l'a pas fait. Par ce que le monde aurait perçu cela comme un comportement criminel. Le Royaume-Uni ne s'est pas abaissé au niveau de l'IRA.

Oui, Israël a droit à la sécurité. Mais les bains de sang dans lesquels il se vautre régulièrement sont le meilleur moyen pour ne jamais être en sécurité. Depuis 1948 les raids aériens n'ont jamais protégés Israël. Le Liban a été victime de milliers de bombardements israéliens depuis 1975 et les soi-disant "terroristes" islamistes n'ont jamais été éliminés, au contraire. Alors à quoi rime ce nouveau massacre d'Israël dans la Bande de Gaza, que l'on menace en plus maintenant d'une offensive terrestre ? Le Hamas se prépare à la bataille et les politiciens des pays occidentaux s'accroupissent dans leurs trous de trouille. Quelque part en Orient -- dans une grotte ? Dans un sous-sol ? Sur un flanc de montagne ? -- un homme célèbre avec un turban sourit.

Copyright © Robert Fisk / republique-des-lettres.fr, Paris, vendredi 02 janvier 2009. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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