George W. Bush

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Voir Sami al Haj embrasser pour la première fois son jeune fils après six longues années de détention à Guantanamo m'a fait venir les larmes aux yeux. Sami al Haj, cameraman soudanais, avait été enlevé au Pakistan alors qu'il travaillait pour Al-Jazeera Actualités. Il fut séquestré, torturé et brutalisé par des agents américains tout au long de sa détention. A l'instar de la vaste majorité de détenus de Guantanamo, al Haj n'a pas été jugé et n'a jamais su de quoi ni en quoi on l'accusait. Une fois libéré, et dès son arrivée en avion au Soudan, Sami al Haj, très affaibli par une grève de la faim qui a duré 438 jours alors qu'il était encore à Guantanamo, a été immédiatement dépêché aux urgences de l'hôpital le plus proche. Et voici le message qu'il a souhaité adresser au gouvernement américain: "La torture n'arrête pas le terrorisme, la torture est du terrorisme". La seul motif allégué à l'appui de sa mise en détention arbitraire par le gouvernement américain statue ceci: "Il a été formé pour l'utilisation d'une caméra de télévision par Al-Jazeera Actualités".

Le peuple américain n'a plus désormais le choix: soit il acceptera de continuer sans broncher à essuyer l'opprobre universelle qui retombe sur une nation de tortionnaires, soit il fera ce qu'il faudra pour mettre un terme définitif aux crimes contre l'humanité qui continuent d'assombrir la triste chronique de l'actuelle administration de George W. Bush. Terroriser et commettre des abus contre des innocents ne garantira jamais l'accès à davantage de sécurité. Incarcérer des individus sans procès en bonne et due forme et en violation de leurs droits fondamentaux n'a jamais mis fin à l'insécurité pour quiconque. Le fait d'enfreindre ses propres lois, de violer les traités internationaux et de piétiner ses propres valeurs n'a jamais mis fin à l'insécurité pour les ressortissants d'aucun pays.

Des experts en techniques d'interrogation du FBI et de l'armée US ont récemment déclaré que les témoignages obtenus sous torture sont le plus souvent sans valeur et toujours peu fiables. En mai 2008, le FBI a publié un rapport au vitriol de 371 pages sur la torture et les crimes de guerre compilé à partir d'observations faites directement sur place à Guantanamo. Quant à la CIA, elle avait depuis longtemps déjà su conclure, dans un rapport de 1963, que "les méthodes brutales ne servent pas à grande chose, si ce n'est qu'à produire de la propagande mensongère". George W. Bush lui-même a déclaré: "Nous ne cautionnons pas la torture. Je n'ai jamais ordonné que l'on torture. Je ne donnerai jamais l'ordre de torturer".

George W. Bush a pourtant reconnu dernièrement qu'il était parfaitement informé que des réunions de hauts fonctionnaires et de responsables politiques avaient lieu régulièrement à la Maison Blanche pour débattre des subtilités de l'utilisation de "techniques d'interrogation musclées", y compris la torture, et qu'il avait bien "donnée son approbation" à ce qu'elles aient lieu. Le Président George W. Bush, le Vice-président Dick Cheney et les principaux ministres de l'actuel gouvernement américain ont en fait clairement donné leur aval à l'utilisation de la torture, violant ainsi des lois internationales qui depuis des décennies déjà interdisent d'infliger des traitements cruels, inhumains et dégradants aux êtres humains.

De telles lois comprennent les Conventions de Genève, la Convention de 1984 contre la torture des Nations Unies et la Constitution des États-Unis d'Amérique. Ces lois ne sont en rien invalidées, ainsi que le prétend l'équipe de George W. Bush, lorsque les prisonniers concernés ne se trouvent pas sur le territoire US. Les lois contre la torture relèvent de ce qu'on appelle dans le langage juridique le Jus Cogens, c'est-à-dire le "Droit obligatoire et universel", selon les déclarations du Professeur de Droit Constitutionnel Marjorie Cohn, lorsqu'elle a témoigné devant la Commission Judiciaire de la Chambre des Représentants. "Il n'y a pas d'immunité qui vaille en cas de responsabilité criminelle pour violation d'un interdit relevant du Jus Cogens".

Être devenu de la sorte une "nation voyou" n'est guère, qui plus est, de l'intérêt des Etats-Unis, surtout que cela expose ses soldats et ses citoyens partout dans le monde à de graves dangers. Pourquoi le Congrès -- pourtant à majorité Démocrate et récemment élu -- n'a-t-il pas encore su mettre fin à la torture ? Il est tout à fait impensable de se contenter de simplement attendre que la "dream-team" de la torture quitte le pouvoir, alors que des centaines de malheureux sont emprisonnés et torturés en déni au défi de tous les droits humains. Sami al Haj a témoigné du nombre encore très élevé de prisonniers qui languissent à Guantanamo. Par désespoir, ils sont également nombreux à avoir tenté de se suicider.

Si nous excluons d'avance de lancer une procédure d'impeachment à son encontre, il n'y aura alors plus de limite au degré de dépravation auquel l'équipe de George W. Bush pourrait se permettre de descendre, et cela signifie que la torture se poursuivra encore en notre nom à tous.

Le gouvernement s'est déjà engagé dans un processus d'expansion de ses délocalisations carcérales dans le monde entier, et c'est là une funeste garantie que leurs atteintes contre les Droits de l'homme vont pouvoir se poursuivre. Une nouvelle prison de grande dimension est actuellement en construction en Afghanistan. Tandis que la population de Guantanamo peu à peu diminue, des prisonniers du monde entier se voient réaffectés dans les prisons américaines d'Irak, là où ils seront bien moins visibles et exposés à l'attention de l'opinion publique. Encore plus inquiétant: des rapports signalent la présence d'enfants incarcérés par les États-Unis au Moyen Orient et à Guantanamo.

Le jour viendra fatalement où plusieurs hommes occupant les plus hautes fonctions aux Etats-Unis devront paraître devant un tribunal international pour crimes de guerre. Déjà des actes d'accusation de complicité dans des crimes de torture sont lancés en France contre l'ancien Secrétaire de la Défense Donald Rumsfeld. L'auteur Philippe Sands cite un juge très expérimenté en matière de procédure criminelle internationale qui assure que "ce n'est plus qu'une affaire de temps" avant que des membres de l'administration Bush soient menacés d'être arrêtés pour crimes de guerre lorsqu'ils seront en déplacement à l'étranger.

Pourquoi se donner le mal d'une procédure d'impeachment, me diriez-vous, si des mandats d'arrêt pour crimes de guerre peuvent finalement aussi bien, sinon mieux, faire l'affaire ? C'est que les juridictions criminelles peuvent punir les auteurs de crimes individuels, mais seul l'impeachment possède le pouvoir de restaurer l'état de droit, et de laver la réputation du pouvoir exécutif. Les auditions pour l'impeachment inscriront à jamais la vérité sur le marbre mémoriel du Congrès américain. A la différence d'autres sommations à paraître devant la Justice, il n'est du pouvoir de personne d'opposer son veto à celles de l'impeachment. L'impeachment établit un précédent juridique qui rendra impossible aux représentants publics de recourir à de tels abus de pouvoir. Le peuple américain possède la faculté d'envoyer au monde le signal qu'il prend désormais en charge la responsabilité des faits et gestes de son propre gouvernement, afin d'assurer que plus jamais la torture ne sera la politique d'un de ses futurs gouvernements.

Nous devons tous exiger que le Congrès des Etats-Unis fasse de l'arrêt définitif de la torture sa priorité absolue et immédiate. Ses membres élus en ont désormais pleinement connaissance, et tout silence les rendra chaque jour plus complices.

Les yeux du monde regardent l'Amérique.

Copyright © Linda Boyd / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 02 juin 2008. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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