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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
Disponible chez • Fnac • Amazon • Kobo • iTunes

Jean-Marc Rouillan

Jean-Marc Rouillan

Après Je hais les matins (2001) et Paul des épinettes (2002), Lettre à Jules (Editions Agone, 2004) est le dernier livre écrit par Jean-Marc Rouillan en prison. Le fondateur du groupe Action Directe y est enfermé depuis 1987, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour deux assassinats : ceux du général René Audran et du PDG de Renault Georges Besse, et deux tentatives d'assassinat : du général Blandin et du vice-président du CNPF, Guy Brana.

Le "Jules" à qui est adressé la lettre de Jean-Marc Rouillan est le célèbre bandit anarchiste de la bande à Bonnot (1876-1912) que les patrons de l'époque considéraient comme un dangereux ouvrier agitateur. Par révolte et désespoir, celui-ci bascula dans une épopée criminelle qui, par son audace, sa violence et son nihilisme, effraya la bonne société de l'époque. Après quatre mois d'une sanglante cavale où il descendit entre autres le sous-chef de la sécurité, Jules Bonnot, blessé, sa tête mise à prix par les banquiers, pourchassé par toute la police de France, fût repéré avec sa bande dans un pavillon de Choisy. Assiégé toute la journée du 28 avril 1912 par cinq cents gendarmes -- et devant une foule de 40.000 spectateurs accourus de toute la banlieue de Paris -- le pavillon fût dynamité et Jules Bonnot abattu entre deux matelas lors d'un énième assaut. Les autres membres de la bande furent capturés et comdamnés à mort ou aux travaux forcés à perpétuité. Comme Bonnot, Jean-Marc Rouillan est un extrêmiste qui, même en prison, ne se rend pas. Comme lui c'est un "indiscipliné" profondément touché par le sort réservé aux opprimés. Comme lui il est révolté par les injustices et les inégalités sociales. Comme lui il hait les exploiteurs et les spéculateurs en tous genres ainsi que les chiens de garde au service de l'ordre établi pour le seul profit de quelques capitalistes. Comme lui il refuse certaines contraintes et met à nu les contradictions de la société. Refusant toute contrition ou repentir pour ses actes passés, il écrit à Bonnot : "Notre camp reste le même, celui de la mutinerie contre la dictature des bourgeois, colonisateurs hier, impérialistes aujourd'hui". Concernant la censure et les contraintes de l'administration pénitenciaire, "Plus ils me font d'interdits et plus j'aurai la force de déchaîner mes mots".

Aujourd'hui âgé de 51 ans, Jean-Marc Rouillan est atteint d'un cancer aux poumons. Il subit, ainsi que les quatre autres leaders du groupe clandestin communiste révolutionnaire Action Directe -- Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron, Georges Cipriani et Régis Schleicher -- une sorte de lente mise à mort dans les quartiers sécurisés des centrales pénitenciaires. Tous sont dans un état de santé préoccupant (dépression, folie, cancer, problèmes cardiaques, etc.), laminés par leur détention sous statut spécial de "détenu particulièrement signalé" (DPS) qui les soumet notamment à l'isolement, au droit de visite limité et à une surveillance accrue permanente depuis dix-sept ans qu'ils sont incarcérés (21 ans pour Régis Schleicher). Les carences de la médecine pénitentiaire ne leur permet pas d'être soignés correctement et les peines de prison prononcées étant dites "de sûreté" pendant dix-huit ans, leurs demandes de suspension de peine et de libération conditionnelle pour raison de santé ont toutes systématiquement été rejetées à ce jour. De plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer ce traitement d'exception qui semble faire de la Justice une inhumaine machine à vengeance contre l'ex-groupe politique terroriste. La Ligue des Droits de l'Homme demande en particulier, dans un communiqué du 28 avril, que "plus de 20 ans après les faits, il est temps de reconnaître à ces hommes et à ces femmes le bénéfice de l'égalité devant la loi. (...) La force d'une démocratie réside dans sa volonté de ne pas réserver de traitement d'exception, fût-ce à des faits exceptionnels." Pour Henry Malberg, de la commission justice du PCF, c'est aussi clairement "des centaines de prisonniers (qui) devraient bénéficier d'une suspension de peine. Derrière les membres d'Action Directe se profile une cohorte d'autres cas".

Dans sa Lettre à Jules (suivie de Chroniques carcérales), Jean-Marc Rouillan écrit : "Maintenant que je suis un prisonnier à vie, pour passer mon temps -- puisque la raison d'être des punis est d'égrener le triste rosaire des réclusionnaires -- je noircis des pages que l'on dit littéraires. (...) Dans les salons protestataires, où l'on s'affuble de trop larges étiquettes qui traînent jusqu'à terre comme de vieux oripeaux, presque des serpillières à force de balayer le caniveau, on a toujours préféré les révolutionnaires des temps jadis. Ou alors ceux d'autres continents, loin au-delà des mers dans des sierras tropicales sud-américaines. Les tartuffes se déguisent pour ne pas avoir à épauler ceux d'ici, pour ne rien risquer jamais et esquiver les questions sur leur propre renoncement, leur perfide trahison qui se distille pareille au quotidien poison".

Copyright © Jean Bruno / , Paris, lundi 05 avril 2004. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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