Allen Ginsberg / Howl

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Howl, d'Allen Ginsberg, sur grand écran.

Howl (Hurlement) d'Allen Ginsberg (1926-1997) est en cours d'adaption au cinéma par Jeffrey Friedman et Rob Epstein. Simplement intitulé Howl, le film retrace la vie d'Allen Ginsberg à la fin des années '50, lorsque le jeune poète compose ce long poème aussi subversif que lyrique, devenu depuis l'une des oeuvres majeures de la modernité littéraire. Inspiré par les oeuvres de Walt Whitman, William Blake ou encore André Breton, Howl est un long cri de rage, de lamentation et surtout de défi à une Amérique qui se complait dans son rêve matérialiste. Il exalte la révolte, la liberté, le sexe et les drogues. Extrait des premières lignes:
"J'ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus, se traînant à l'aube dans les rues nègres à la recherche d'une furieuse piqûre, initiés à tête d'ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne, qui pauvreté et haillons et oeil creux et défoncés restèrent debout en fumant dans l'obscurité surnaturelle des chambres bon marché flottant par-dessus le sommet des villes en contemplant du jazz, qui ont mis à nu leur cerveaux aux Cieux sous le Métro aérien et vu des anges d'Islam titubant illuminés sur les toits des taudis, qui sont passés à travers des universités avec des yeux radieux froids hallucinant l'Arkansas et des tragédies à la Blake parmi les érudits de la guerre, qui ont été expulsés des académies pour folie et pour publication d'odes obscènes sur les fenêtres du crâne [...]".
Lu en octobre 1955 à la Six Galerie de San Francisco, Howl fait sensation. Dédié à Carl Solomon et préfacé par William Carlos Williams, le texte est publié fin 1956 par Lawrence Ferlinghetti sous l'enseigne de la jeune maison d'édition City Light Books (Numéro 4 de la collection The Pocket Poets). Mais le livre, considéré comme une menace contre la sécurité intérieure, subit bientôt les foudres de la censure et doit faire face à un procès pour obscénité. L'affaire dure tout l'été 1957 et devient emblématique de la lutte pour la défense de la littérature et du premier amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté d'expression. Allen Ginsberg et Lawrence Ferlinghetti sont finalement acquittés l'année suivante et Howl deviendra l'un des trois grands manifeste de la Beat Generation, avec Sur la route (1957) de Jack Kerouac et Le Festin nu (1959) de William Burroughs. Allen Ginsberg deviendra lui l'un des plus grands poètes du XXe siècle en même temps qu'une icône de la jeunesse hippie des années '60 et '70.
Pour les scénaristes et réalisateurs Jeffrey Friedman et Rob Epstein, de la compagnie Telling Pictures, "Cinquante ans plus tard, la vision de Ginsberg est toujours aussi pertinente que l'année de l'écriture. Des échos de liberté d'expression, de censure gouvernementale et de conformité sexuelle sont toujours vibrants aujourd'hui en Amérique".
Allen Ginsberg revendiquait ouvertement son homosexualité et ce n'est donc pas un hasard s'il a demandé à ces deux cinéastes de réaliser un film sur Howl. Les deux hommes produisent en effet depuis longtemps des films documentaires sur l'homosexualité, dont notamment Parlons-en (1979, série d'entretiens avec des homosexuels américains), The Celluloid Closet (1995, L'homosexualité à travers cent ans de cinéma hollywoodien) et Paragraphe 175 (2001, sur la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale). Le rôle du poète sera en outre tenu par le comédien militant gay James Franco (incarnation du méchant Harry Osborn de Spider-Man 3 et top-model de Gucci pour Homme).
Les autres personnages historiques ayant pris part au procès d'Allen Ginsberg seront eux interprétés par David Strathairn (procureur Ralph McIntosh), Alan Alda (juge Clayton Horn), Jeff Daniels (témoin à charge David Kirk), Mary-Louise Parker (témoin à charge Gail Potter) et Paul Rudd (critique littéraire et témoin de la défense Luther Nichols).
À noter que la figure juive et homosexuelle légendaire d'Allen Ginsberg est également utilisée en cette rentrée littéraire 2008 par l'écrivain Frédéric Chouraki qui, dans son roman Ginsberg et moi (éditions du Seuil), imagine la rencontre dans un sauna gay entre Simon Glückmann, prédicateur à la synagogue du temple, et l'auteur de Kaddish.

Copyright © N. B. / La République des Lettres, mercredi 10 septembre 2008