Isidore Isou

Écrivain français d'origine roumaine, Isidore Isou -- Jean-Isidore Goldstein pour l'Etat civil -- voit le jour le 29 janvier 1925 à Botosani (Roumanie). En 1942, le futur fondateur du mouvement lettriste découvre une phrase du philosophe allemand Hermann von Keyserling: "le poète dilate les vocables", qu'il lit "le poète dilate les voyelles" ("vocable" signifiant en roumain "voyelle"). Cette lecture inspirée l'incite à rédiger un premier Manifeste de la poésie lettriste ainsi que divers poèmes de jeunesse qu'il reniera plus tard.

Fin 1945, il s'installe à Paris, prend le pseudonyme d'Isidore Isou et développe dès lors sa théorie poétique du Lettrisme, baptisée plus tard de "Créatique", inspirée par le surréalisme, le dadaïsme et le futurisme et prônant une méthode de création radicale et globale autour non plus des mots mais des lettres, des sons et des signes. La lettre, dans son expression sonore et typographique, est selon lui la base de la poésie, avant même le mot et le sens.

À partir de 1946, après s'être fait connaître de la scène parisienne en récitant ses Lettries au Théâtre du Vieux Colombier lors d'une représentation de La Fuite de Tristan Tzara, Isidore Isou commence à rencontrer des écrivains -- André Gide, Jean Paulhan, Max-Pol Fouchet, Raymond Queneau,... -- et expose sa théorie dans plusieurs essais et manifestes: La dictature lettriste (1946, qui sera aussi le titre de sa future revue), Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique (1947) et Essai sur la définition et le bouleversement total de la prose et du roman (1950). Il lance et anime des revues, des expositions, des provocations et des polémiques qui agitent les milieux de l'avant-garde littéraire, picturale et cinématographique. La théorie et le mouvement lettriste, qui se veulent révolutionnaires, ne touchent pas seulement l'esthétique mais aussi le social, l'économie et la politique. Isidore Isou publie notamment en 1949 le premier tome d'un Traité d'économie nucléaire, dont un chapitre intitulé Soulèvement de la jeunesse deviendra plus tard l'une des références de Guy Debord, de l'Internationale Situationniste et du mouvement de Mai 68. Il réalise en 1951 un film expérimental intitulé Traité de bave et d'éternité présenté par Jean Cocteau au Festival de Cannes, puis commence à appliquer dans tous les arts un nouveau système d'écriture intégral baptisé "Hypergraphie". Tout au long des années '50, '60 et '70, Isidore Isou réalise plusieurs films, textes, tableaux et pièces de théâtre dits "hypergraphiques", "meca-esthétiques" et/ou "aphoniques" régis par son système de créativité intégrale et touchant à de nombreux domaines du savoir comme entre autres la philosophie, les arts plastiques, la mécanique, le roman, les mathématiques, la théologie, la psychiatrie, etc. Parmi ses divers traités, citons Les Journaux des dieux (1950), Les Nombres (1952), Fondements pour la transformation intégrale du théâtre (1952), Amos ou Introduction à la métagraphologie (1952), Le Centre de plein emploi (1955), Introduction à l'esthétique imaginaire, Antonin Artaud torturé par les psychiatres, Mémoire sur les forces futures des arts plastiques et leur mort, Quelques certitudes théologiques et esthétiques (1960), Chapitres et colonnes polyautomatiques (1964), Les bases de la culture scolaire ou Introduction à la Kladologie (1972), etc... Son traité d'érotologie intitulé Initiation à la haute volupté, publiée en 1960, reste censuré jusqu'en 1977.

À partir des années '90, Isidore Isou, toujours aussi radicalement créateur, exalté et verbalement agressif, est plus ou moins rangé par certains milieux intellectuels au rayon des utopistes et des fous littéraires. Il termine sa vie en se battant contre ceux qu'il appelle les "ersatzs", c'est-à-dire les copieurs, les pilleurs et les faussaires. Un livre somme de 1.400 pages, La Créatique ou la Novatique (1941-1976), est publié en 2004 aux éditions Al Dante. Dans l'un des textes publiés, datant de décembre 1977, Isidore Isou se présente ainsi: "Avec La Créatique ou la Novatique, j'offre une base capitale de savoir et de pouvoir multiplicateur, qui explique le grand nombre de mes apports importants, inédits, dans tous les Arts (la poésie, la musique, la peinture, le roman, le cinéma, le théâtre, la danse, le mime, etc.), dans un grand nombre de Sciences (de la psychothérapie aux mathématiques, en passant par l'économie politique) et de Techniques, et je crois pouvoir me déterminer par cette révélation supérieure comme l'un des plus grands et même, selon certains des lecteurs de ce texte, comme le plus grand auteur de tous les temps."

Isidore Isou décède à Paris le 29 juillet 2007, à l'âge de 82 ans.

Copyright © Mélanie Wolfe / republique-des-lettres.fr, Paris, mercredi 3 août 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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