Bill Gates

Bill Gates

Issu d'une famille bourgeoise de Seattle (Etats-Unis), Bill Gates, de son vrai nom William Henry Gates, troisième du nom, voit le jour le 28 octobre 1955. Son père est avocat d'affaires, sa mère enseignante. Il découvre l'informatique vers l'âge de 13 ans au sein de son collège, le Lakeside School de Seattle, qui dispose d'un ordinateur. Avec quelques autres élèves, dont Paul Allen, il fonde le Lakeside Programmers Group, qui tente d'explorer les failles de sécurité des premiers ordinateurs. Il écrit aussi un petit programme informatique pour jouer au morpion.

En 1973, Bill Gates intègre l'université de Harvard où, négligeant ses études, il rencontre un autre passionné d'informatique, Steve Ballmer. Deux ans plus tard il abandonne Harvard pour fonder avec son ami d'enfance Paul Allen la société Traf-O'Data, installée à Redmond près de Seattle, qui sera bientôt renommée en Micro-Soft (contraction de Microcomputer Software). Les deux amis réalisent ensemble un programme, baptisé Altair Basic, destiné à équiper l'ordinateur Altair 8800 du constructeur américain MITS, considéré comme le premier ordinateur personnel américain.

Persuadés que le marché de la micro-informatique personnelle va bientôt exploser, Bill Gates et Paul Allen décident alors de placer leur logiciel chez tous les constructeurs de micro-ordinateurs. En novembre 1976, ils déposent la marque Microsoft. MITS achète une licence d'exploitation de l'Altair Basic pour 6.000 dollars. L'année suivante le Basic équipe le PET de Commodore et le TRS80 de Tandy. Apple, fondé en 1976 par Steve Jobs, lance aussi ses premiers micro-ordinateurs et achète à Bill Gates en 1979, pour 21.000 dollars, les droits d'un programme dénommé AppleBasic. En 1980, tandis que Steve Jobs et l'équipe d'Apple, inspirés par les interfaces graphiques de la société Xerox, révolutionnent l'informatique avec les premiers Macintosh basés sur le programme Lisa — qui intègre des icônes et des fenêtres pilotables à la souris, modèle qui équipe encore aujourd'hui la plupart des PC — Bill Gates signe pour sa part un contrat avec la multinationale IBM. "Big Blue" souhaite en effet commercialiser un nouveau micro-ordinateur, l'IBM-PC, et cherche un système d'exploitation à mettre dessus. Microsoft décide alors de racheter le programme Q-DOS (Quick and Dirty Operating System) développé par Tim Patterson, de Seattle Computer Products (SCP). Q-DOS, rebaptisé PC-DOS puis MS-DOS (Microsoft Disk Operating System), est adapté pour les IBM-PC et vendu à "Big Blue". Malin, Bill Gates garde toutefois les droits de propriété intellectuelle sur l'OS tout en obtenant en plus l'autorisation de le vendre sur tous les fabricants de micro-ordinateurs qui clônent l'IBM-PC. Au cours de l'année suivante, les ingénieurs de Microsoft et d'IBM mettent au point un nouveau système plus performant, l'OS/2. La propriété de ce système sera récupérée plus tard par Microsoft aux dépens d'IBM et deviendra le célèbre Windows. Grâce au boom de la micro-informatique et à sa licence imposée aux constructeurs qui doivent préinstaller Windows sur chaque PC vendu, Microsoft écrase bientôt le marché des systèmes d'exploitation. En 1985, année de lancement de Windows 1.0, la firme de Redmond fondée dix ans plus tôt par Bill Gates génère déjà plus de 140 millions de dollars de revenus annuels.

Forte de ses royalties, Microsoft améliore progressivement Windows en recopiant entre autres les innovations du MAC OS d'Apple et en rachetant à tour de bras diverses inventions qu'elle intègre à son système. Elle développe une gamme de logiciels bureautiques, baptisée Microsoft Office, composé notamment du logiciel de traitement de texte Word et du tableur Excel. N'hésitant pas à étouffer les concurrents qui tentent de lui résister, Microsoft s'installe en situation de monopole pendant les décennies '80 et '90 et devient numéro 1 mondial du secteur malgré la piètre qualité de ses logiciels. En 1986, la société Microsoft est introduite en Bourse et son principal actionnaire, Bill Gates, devient du coup à 33 ans le plus jeune milliardaire du monde. En 1987, avec Windows 2.0, Word et Excel, Microsoft devient le premier éditeur de logiciels au monde et génère 346 millions de dollars de chiffre d'affaires. Windows 3.0, lancé en 1990, passe en deux ans la barre des dix millions d'exemplaires vendus. En 1994, Bill Gates s'offre à titre personnel lors d'une vente aux enchères le célèbre Codex Hammer (ex-Codex Leicester) de Léonard de Vinci pour 30,8 millions de dollars. En 1995, un million de copies de Windows 95 est vendu dans les quatre jours suivant sa sortie. Mais Microsoft s'attire aussi en même temps les foudres des développeurs informatiques car le nouveau système est rendu incompatible avec les autres versions de DOS. La société lance également la même année un service de communication en ligne baptisé Microsoft Network (MSN). En 1998, Bill Gates, qui jusqu'alors ne croyait guère au développement de l'internet, prend conscience de l'existence du réseau. Le système Windows 98 commence à intégrer des logiciels, tels Internet Explorer et Outlook, afin d'éradiquer la concurrence sur le secteur, notamment celle de Netscape, précurseur en la matière. En 2000, Bill Gates délègue une partie de ses responsabilités à son bras droit, Steve Ballmer, qui devient PDG de Microsoft. Windows XP, considéré comme le plus "fiable" des systèmes d'exploitation de Microsoft, sort avec succès l'année suivante.

La fortune personnelle de Bill Gates ne cesse d'augmenter au fur et à mesure de la capitalisation de l'empire Microsoft. En 1996 sa fortune personnelle est estimée par Forbes à plus de 55 milliards de dollars et il restera pendant plus de dix ans, de 1996 à 2007, l'homme le plus riche du monde. En 1999, il fait une entrée remarquée dans le monde de la photographie de presse en rachetant, via sa société Corbis, l'agence photographique française Sygma. L'objectif est d'ajouter la photo d'actualité aux 25 millions de clichés de sa banque d'images constituée jusqu'alors essentiellement d'archives de reproductions d'oeuvres d'art et de prestigieuses collections (Bettman, Lyn Goldsmith, Orbit, Roger Ressmeyer, Hulton-Deutsch, etc). Deux années plus tard, Corbis-Sygma licenciera 90 employés dont 42 photographes. Son hégémonie et son appétit monopolistique valent à Microsoft plusieurs procès aussi retentissants qu'interminables, soit pour abus de position dominante de la part des autorités anti-trust américaines et européennes, soit pour pratiques anticoncurrentielles et plagiats de la part d'entreprises concurrentes spoliées par la multinationale, désormais surnommée "la pieuvre". L'entreprise écope d'amendes records — 1,5 milliard d'euros infligés par la Commission Européenne — et a désormais obligation de transmettre les informations techniques nécessaires aux développeurs afin que les logiciels non-Microsoft puissent être compatibles avec Windows, qui équipe d'office 90% des ordinateurs de la planète. Cela n'empêche toutefois pas la multinationale de continuer à vouloir contrôler l'univers informatique en tentant régulièrement d'imposer au monde entier des normes brevetées à son seul profit, comme c'est par exemple encore le cas récemment avec son nouveau format Open XML.

Côté vie privée, Bill Gates épouse en janvier 1994 Melinda French, directrice marketing de l'encyclopédie Encarta chez Microsoft, de dix ans sa cadette. Elle lui donnera un garçon, Rory John (né en 1999) et deux filles: Jennifer Katherine (née en 1996) et Phoebe Adele (née en 2002). Tous vivent dans une somptueuse maison high-tech de 113 millions de dollars construite au bord du lac Medina de Washington, près de Seattle.

En 1995, Bill Gates publie son premier livre, The Road Ahead (La Route du Futur), dans lequel il explique après bien d'autres comment les nouvelles technologies vont changer notre façon de vivre. En 1999, il sort un second opus également consacré à sa vision de l'informatique, Business at the Speed of Thought (Le travail à la vitesse de la pensée).

En 2000, Bill et Melinda Gates créent avec quelques amis milliardaires, dont Warren Buffett, une fondation caritative: la Bill & Melinda Gates Foundation. Dotée aujourd'hui de quelque 37 milliards de dollars d'actifs, cette institution qui emploie 600 salariés dans le monde a pour objectif de lutter contre la pauvreté dans le monde et d'oeuvrer pour l'éducation et la santé des enfants défavorisés. Avec 16,5 milliards de dollars déjà alloués à des programmes dédiés en particulier à l'éradication du paludisme, de la malaria et du sida dans les pays du Tiers-monde, la Fondation du couple Gates se présente aujourd'hui comme la première organisation humanitaire privée de la planète (À titre comparatif, la France a donné 9 milliards de dollars en 2007 au titre de l'aide au développement). Cette oeuvre philantropique vaut à Bill Gates d'être désigné par le magazine Time homme de l'année 2005, aux côtés de son épouse Melinda et de Bono (chanteur du groupe U2). La Fondation Gates fait toutefois l'objet de plusieurs critiques, notamment parce qu'elle investit, non sans profits, dans des projets d'entreprises polluantes ou exploitant des enfants, et aussi parce qu'elle autorise de substancielles réductions d'impôts à ses donateurs.

En 2005, Microsoft réalise plus de 12 milliards de dollars de bénéfice pour un chiffre d'affaires de 40 milliards mais des craquements commencent à se faire entendre dans l'empire qui voit sa domination sur le monde informatique attaquée par des entreprises innovantes de l'internet. Google, entre autres, mord sérieusement sur son territoire dans certains secteurs que Bill Gates n'a pas su conquérir ou développer ces dernières années, notamment dans la publicité et les applications en ligne. Son concurrent de toujours, Apple, remonte également en puissance et commence à lui damer le pion avec le succès de ses produits (ordinateurs Mac compatibles Windows, iPhone, iTunes). Les excellents logiciels libres et gratuits comme le système Linux, la suite bureautique OpenOffice ou encore le navigateur Firefox de Mozilla — que Bill Gates qualifia un jour de "communistes des temps modernes" — commencent également à séduire de nombreux nouveaux adeptes, y compris dans les entreprises et les administrations. Les derniers produits Microsoft comme Windows Vista (à l'interface plagiée sur le Mac OS X d'Apple), ou encore la console de jeux XBox 360, ne rencontrent pas le succès escompté malgré les millions de dollars investis en publicité pour leur lancement. En bourse, le cours du titre de la compagnie s'est également écroulé, perdant 52% de sa valeur depuis 2000 et Wall Street ne croit plus à son potentiel de croissance. D'une façon générale le règne de la multinationale de Redmond commence à décliner auprès du grand public, les consommateurs étant devenus plus mûrs et plus critiques en matière de produits informatiques.

En 2006, Bill Gates annonce qu'il va quitter progressivement la direction du groupe Microsoft. Il s'octroie deux années pour préparer sa succession, déléguant toutes ses responsabilités à Steve Ballmer et confiant ses fonctions de stratège et d'architecte en chef respectivement à Graig Mundie (responsable du département Recherche et Développement) et Ray Ozzie (créateur du logiciel Lotus). Le 27 juin 2008, à 53 ans, après une tentative ratée d'OPA de Microsoft sur Yahoo!, il abandonne définitivement toutes ses fonctions exécutives. Dans la grande tradition des philantropes américains, il indique vouloir consacrer entièrement son temps et son argent à la Bill & Melinda Gates Foundation. Il demeure cependant président non exécutif du conseil d'administration et reste l'un des premiers actionnaires de Microsoft avec 9% du capital. L'entreprise, qui compte désormais 90.000 employés — ils étaient 30 en 1980 --, devrait génèrer cette année encore quelque 60 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

Bill Gates n'est plus désormais que le troisième homme le plus riche du monde. Avec "seulement" 58 milliards de dollars il vient d'être dépassé par l'américain Warren Buffett et le Mexicain Carlos Slim Hel. Il a en contrepartie l'honneur d'avoir été anobli au grade de Chevalier d'honneur de l'ordre de l'Empire britannique par la reine Elisabeth II. Il déclare qu'il léguera 95% de sa fortune à sa fondation et 5% à ses héritiers.

Copyright © Alain Joaquim / La République des Lettres, Paris, samedi 20 octobre 2018. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite. Les citations brèves et les liens vers cette page sont autorisés.

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