Adrien Le Bihan

Adrien Le Bihan

Dans La Fourberie de Clisthène, Procès du biographe élyséen de Georges Mandel, l'écrivain et essayiste Adrien Le Bihan démontre brillament que Nicolas Sarkozy est à la fois un mauvais écrivain et un très mauvais biographe, doublé sans doute d'un vulgaire plagiaire, voire d'un vrai fourbe, ce dont hélas on se doutait déjà. Parfaitement documenté et s'appuyant sur une analyse fouillée des textes, le pamphlet d'Adrien Le Bihan pointe non seulement les nombreuses erreurs historiques contenues dans le livre de Nicolas Sarkozy, Georges Mandel, le moine de la politique, mais également un ensemble d'élements qui ne laisse que peu de doutes sur ce qu'il convient d'appeler un "plagiat" commis par l'actuel Président de la République.

Tout commence en 1994, lorsque Nicolas Sarkozy est encore ministre du Budget rêvant au magistère suprême. Honnête homme du XXIe siècle et ami éclairé des Arts et des Lettres s'il en est, il décide un jour en se rasant de rendre hommage à l'une des grandes figures de l'Etat français, Georges Mandel. Plusieurs fois ministre de la Troisième République, juif victime des campagnes antisémites de la presse collaborationniste, fusillé en juillet 1944 en forêt de Fontainebleau par la milice, Georges Mandel est en effet depuis toujours l'un des grands héros de son panthéon personnel, l'un des hommes politiques dont le destin est pour pour lui un exemple et une source d'inspiration. Probablement assisté par un nègre (selon les rumeurs: Roger Karoutchi, aujourd'hui Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement et auteur d'une biographie de Jean Zay), il "écrit" alors une biographie hautement édifiante intitulée Georges Mandel, le moine de la politique (éditions Grasset, 1994). À sa sortie, l'ouvrage est unanimement saluée par la critique. Entre autres médias admiratifs, Le Monde juge cette "étude" fort pertinente, Globe hebdo (dirigé par Georges-Marc Benamou, futur conseiller spécial de Sarkozy pour la Culture) évoque longuement la "remarquable biographie", Paris Match et TF1 offrent de passionnants entretiens avec l'auteur, etc. Seul petit incident dans le bon déroulement du plan média, un certain Bertrand Favreau, avocat au barreau de Bordeaux et auteur en 1969 d'un Georges Mandel, un clémenciste en Gironde (éditions Pedone), remarque de troublantes similitudes entre le livre de Nicolas Sarkozy et le sien. Pas de quoi cependant émouvoir les médias qui ne soufflent mot de l'embarassante affaire, d'autant plus que le Ministre du Budget Porte-Parole du gouvernement, ayant pris la précaution de citer dans son introduction le "remarquable mémoire soutenu à la faculté de Bordeaux", balaye le soupçon de plagiat d'un revers de main. Bertrand Favreau ne porte pas l'affaire devant la Justice. Une grande maison d'édition le contacte d'ailleurs fort opportunément avec un contrat pour la publication d'une nouvelle version remaniée de son livre, qui sortira quelques mois plus tard sous le titre Georges Mandel, ou La passion de la République (Éditions Fayard, 1996). Au grand étonnement de son auteur, il sera même récompensé par le prestigieux Prix de l'Assemblée nationale, remis en mains propres par un Philippe Seguin au discours — rédigé semble-t-il par Roger Karoutchi — quelque peu sibyllin. La biographie de Nicolas Sarkozy peut continuer paisiblement son ascension de la liste des meilleurs ventes en librairie. Elle donne même lieu l'année suivante à une adaptation télévisée, Le Dernier Été, réalisée par Claude Goretta "d'après l'oeuvre de Nicolas Sarkozy sur Georges Mandel", avec Jacques Villeret dans le rôle titre. Quelques années plus tard, Georges Mandel, le moine de la politique pourra alors être largement utilisé par le candidat à l'Elysée qui, tout à son exaltation des grands hommes de la Patrie, à ses incessantes références à l'héroïsme de la Résistance et à son obsession de la question juive, ne manque jamais une occasion de souligner les parralèles entre Georges Mandel et lui-même. Dans l'indifférence médiatique générale, Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus (éditions Denoël, 2005) du collectif Victor Noir (nom de plume des journalistes d'investigation Karl Laske et Laurent Valdiguié), dévoile l'imposture de Nicolas Sarkozy mais le futur chef de l'Etat se mure dans le silence lorsqu'on lui pose la question à ne pas poser: "Avez-vous écrit seul votre ouvrage sur Georges Mandel ?".

Intrigué par les discours de campagne électorale de Nicolas Sarkozy ("J'ai changé quand j'ai rencontré Mandel, ce grand Français", etc) et par cet étrange biographe locataire de l'Élysée (seul Paul Deschanel, auteur d'un Gambetta, peut revendiquer avant lui un tel titre), Adrien Le Bihan analyse finement sa biographie du moine de la politique. Il n'accuse pas directement le Président de la République de plagiat, laissant les lecteurs se faire un avis au vu des nombreuses coïncidences plus que troublantes existant entre son texte et celui de Bertrand Favreau, en particulier à travers la reproduction de grossières erreurs portant entre autres sur le titre d'un livre du journaliste Georges Pioch (auquel il se réfère donc sans l'avoir lu) et sur un faux appel à la résistance qu'aurait lancé Mandel depuis Casablanca. Se référant à d'autres ouvrages consacrés à des épisodes de la vie de Georges Mandel, Adrien Le Bihan pointe aussi d'étranges incohérences et omissions symptomatiques d'une très "fourbe" tentative de réécrire l'Histoire de France. Nicolas Sarkozy n'hésite pas en effet à passer sournoisement sous silence le rôle pourtant majeur du Général de Gaulle dans cette période, ainsi que ses relations avec Georges Mandel, afin de mieux héroïser son personnage (d'où le "Clisthène" du titre). Notant enfin que Georges Mandel, le moine de la politique "souffre et nous divertit d'une maîtrise insuffisante du français", Adrien Le Bihan suggère à son auteur d'éviter de le réimprimer tel quel.

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    • La Fourberie de Clisthène d'Adrien Le Bihan est disponible dans quelques grandes librairies parisiennes, sur Amazon.fr, et sur commande aux éditions Cherche-Bruit 19 rue de Dantzig 75015 Paris, Tél: 0155766104.

Copyright © Jean Bruno / La République des Lettres, Paris, mardi 01 avril 2008. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite. Les citations brèves et les liens vers cette page sont autorisés.

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