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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Ayaan Hirsi Ali

Ayaan Hirsi Ali

Ayaan Hirsi Ali, ex-députée néerlandaise d'origine somalienne, s'est vue érigée le week-end dernier à Paris en sainte et martyre victime de l'Islamisme.

Propulsée sur la scène médiatique par tout ce que le pays des Lumières compte d'intellectuels islamophobes patentés, de Bernard-Henri Lévy à Jean-Pierre Elkabbach en passant par les incontournables Philippe Val et Caroline Fourest, dont chacun connaît hélas la virulence en matière de rhétorique anti-islamiste. Le succès du meeting de soutien organisé conjointement par ProChoix, La Règle du jeu et Charlie Hebdo n'aurait pas non plus été complet sans la présence de la Secrétaire d'État sarkozyste chargée des Droits de l'Homme, Rama Yade, et de quelques politiciens de tous bords, dont notamment Ségolène Royal, toujours présente lorsqu'il s'agit de soutenir une cause "noble" défendue par les grands médias communautaristes, et du député européen socialiste Benoît Hamon, qui a déposé récemment une déclaration au Parlement Européen demandant que l'UE finance la protection rapprochée d'Ayaan Hirsi Ali. Le but de l'opération médiatique ? sauver Ayaan Hirsi Ali des griffes des méchants islamistes radicaux en lui faisant octroyer la nationalité française et en demandant à l'Europe des Droits de l'Homme d'assurer sa protection ainsi que celle de tous les "dissidents de l'Islam".

La pasionaria de l'anti-islamisme a en effet été menacée de mort dans une lettre retrouvée sur le cadavre de Théo Van Gogh, auteur avec elle de Soumission, un très douteux film-pamphlet consacré à la condition de la femme dans l'Islam qui a valu au cinéaste néerlandais d'être poignardé en novembre 2004 par un fanatique.

Protégée un temps par le gouvernement néerlandais, Ayaan Hirsi Ali ne bénéficie plus aujourd'hui d'aucune protection officielle. Parallèlement donc à la remise par Claude Lanzmann d'un quelque peu abusif Prix Simone de Beauvoir, un vibrant appel a été lancé dans les médias pour que Nicolas Sarkozy, grand libérateur devant l'éternel de toutes les "femmes martyrisées dans le monde", apporte son soutien à Ayaan Hirsi Ali, ce qu'il a déjà fait depuis longtemps.

Née en Somalie en 1969, Ayaan Hirsi Ali s'est réfugiée aux Pays Bas pour fuir les horreurs de la guerre civile, de l'excision et du mariage forcé. Elle y obtient l'asile politique en 1992 puis la nationalité néerlandaise en 1997. En 1998, elle est élue députée sous la bannière du Parti Travailliste, puis réélue en 2002 sous celle du Parti Libéral. La jeune politicienne a selon ses dires définitivement renié l'Islam à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Elle s'est engagée depuis dans une virulente croisade pour l'émancipation des femmes musulmanes, n'hésitant pas à traiter Mahomet de tous les noms et qualifiant l'Islam de "nouveau fascisme" inassimilable par la démocratie.

Devenue un temps grande prêtresse de la cause anti-islamiste aux Pays-Bas, Ayaan Hirsi Ali a malheureusement dû abandonner ses fonctions et ses privilèges en 2006, après qu'un documentaire télévisé intitulé Sainte Ayaan eût révélé ses mensonges, ce qui ne pardonne guère dans un pays de tradition calviniste où elle a du jour au lendemain perdu toute crédibilité. Dans sa demande d'asile, la jeune députée noire avait en effet menti sur son identité -- elle s'appelle en réalité Ayaan Megan --, son âge, son mariage qui n'était aucunement forcé avec un somalien installé au Canada, et sur le fait qu'elle ne venait pas de Somalie mais du Canada et de l'Allemagne après avoir passé son enfance dans un Kenya alors parfaitement en paix. A la suite d'une enquête administrative, Ayaan Hirsi Ali s'est donc vu retiré son passeport par la ministre de l'Intégration, Rita Verdonk, perdant du coup son statut d'élue. Elle gagne alors Washington où elle est depuis mai 2006 employée, et très bien payée, par l'American Enterprise Institute (AEI), un think tank néoconservateur proche de l'administration Bush. Mais, installée aux Etats-Unis, Ayaan Hirsi Ali a perdu la protection policière officielle qui était assurée jusqu'en novembre dernier par le gouvernement de La Haye. Les Etats-Unis ne veulent pas se charger de sa protection et sa garde rapprochée doit désormais être payée grâce à des dons privés.

C'est là qu'interviennent nos célèbres intellectuels juifs français médiatiques et Nicolas Sarkozy. Pour eux et pour lui, Ayaan Hirsi Ali n'est pas un de ces vulgaires réfugiés sans-papiers cherchant refuge dans la patrie des Droits de l'Homme où ils se heurtent aux rafles du Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Elle est une vraie martyre, une sainte qui au péril de sa vie a le courage de dénigrer activement l'Islamisme (on oublie en général dans ces milieux d'ajouter les termes de "radical", "intégriste" ou "fondamentaliste", estimant qu'il vaut mieux laisser entendre que l'Islamisme, mouvement prônant l'expansion de la religion musulmane, est contrairement au Christianisme ou au Judaïsme, un gros mot signifiant en quelque sorte "Terrorisme").

Ayaan Hirsi Ali est pro-israélienne, pro-néoconservateurs américains, de tendance néolibérale et de plus féministe et noire comme il faut. C'est une Voltaire des temps modernes qui doit à tout prix être protégé par la France, ce qui à l'évidence ne pose pas de problème à l'administration sarkozyste. Son dossier, tellement plus limpide que celui d'un simple réfugié musulman, a en effet déjà été examiné par Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée. La garde des Sceaux, Rachida Dati, l'a également reçu personnellement il y a plus de deux mois et, selon Rama Yade, Nicolas Sarkozy "l'apprécie beaucoup et a beaucoup d'admiration pour ce qu'elle fait".

Mais l'objectif -- qui accessoirement permettrait en même temps à l'Etat français de réaliser quelque économie --, c'est surtout de transformer le cas Ayaan Hirsi Ali en grande cause européenne afin d'élargir institutionnellement à tout le continent ce douteux combat franco-ethnocentrique contre l'Islam. La "Voltaire noire" si chère aux islamophobes d'Occident sera donc dès jeudi prochain à Bruxelles, accompagnée de Bernard-Henri Lévy. Nicolas Sarkozy, tel Roland luttant héroïquement au Col de Roncevaux contre l'armée des Sarrasins, y plaidera parallèlement pour que l'Union Européenne dans son ensemble prenne en charge sa protection et celle de tous les futurs "dissidents de l'Islam".

Copyright © Hortense Paillard / , Paris, lundi 11 février 2008. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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