Lionel Ray

"Rien ne me fascine autant que ce qui se défait", avouait, il y a dix ans, Lionel Ray dans Nuages, nuit. Dans le prolongement de Une sorte de ciel, son livre précédent, Comme un château défait t émoigne aujourd'hui, jusque dans son titre et à sa manière, de cette obsédante fascination :

tu es sur le chemin dont nul n'est revenu,c'est ton tour, c'est le vieillissement, l'illisible dieu interroge sous le masque.

A sa manière. Car la maîtrise encore affirmée avec éclat dans Une sorte de ciel, sans disparaître, tend vers un dépouillement qui rend d'autant plus poignant ce murmure discret des poèmes où vient parfois se prendre le non visible, ce passage qui nous fait et nous défait et ne peut s'incarner que dans l'entre-deux d'une parole de lisières. Ou, mieux, dans ce deux-entre-trois (une strophe de deux vers prise entre deux strophes de trois vers), "dispositif simple (é) mariant le pair à l'impair, jouant sur les marges et les interstices" (comme le qualifie l'épilogue du livre), qui dessine typographiquement sur la page ce battement des contraires sur le fil duquel se tient la vie et ce vacillement de parole qui, pour Lionel Ray, est ici la poésie. Oui: cela vient, cela s'en va et, le temps d'une césure - de deux vers brefs -, quelque chose demeure pourtant, cette trace infime comme un passage d'ailes fugaces que laissent les noms avant de disparaître:

Ils sont apparus, ils ont disparu.

Reste une vibration, un vol

d'oiseaux pathétique dans le ciel constant

Copyright © Jacques Ancet / republique-des-lettres.fr, Paris, mardi 01 mars 1994. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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