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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Troisième tour social

Troisième tour social

"La vraie rentrée sociale, c'est cette semaine", déclare Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). De fait, alors que la grève dans les transports atteint son sixième jour -- celui où l'opinion commence généralement à se poser la question "que fait le gouvernement ?" -- et que le mouvement étudiant s'étend, y compris dans les lycées, la connexion est en train de s'établir en réseau dans de nombreuses catégories professionnelles et d'enfiévrer une bonne partie des français. Avec la mobilisation des fonctionnaires -- dont les huit principales organisations syndicales appellent à leur tour à la grève pour le pouvoir d'achat et contre la casse des services publics, mouvement soutenu par 53% des français selon un sondage CSA -- et les nombreuses manifestations prévues dans divers secteurs juqu'à la fin du mois (Banques, Justice, Culture, Commerce, etc), Nicolas Sarkozy peut commencer à se faire sérieusement du souci. Quelle que soit l'issue des conflits sociaux en cours, il peut même également commencer à envisager un ratage dans la mise en place de ses réformes, ne serait-ce que parce que la crise persiste et entraîne au final un coût pour la collectivité bien supérieur aux économies censées en résulter. Enfin, mais on s'en doutait, il vient de prouver qu'en matière de démocratie sociale son régime n'a rien de bien exemplaire étant donné les méthodes employées et l'état de crispation auquel il vient de mener les français.

Le conflit né de la réforme des régimes spéciaux de retraite et d'une loi pour l'Université imposés toutes les deux à la va-vite, avivé par les étonnantes méthodes de "dialogue social" du gouvernement Fillon -- dont chacun a compris qu'il est piloté directement par un Nicolas Sarkozy tout aussi incohérent que fier-à-bras -- se répand comme un virus et contamine petit à petit les différents organes d'un corps social déjà bien mal en point. Malgré le manque total d'opposition de la gauche institutionnelle, malgré la volonté de dialogue des directions syndicales et les importantes concessions qu'elles ont consenties (y compris les plus contestataires comme la CGT de Bernard Thibault), malgré également les très coûteuses mesures compensatoires cédées par les entreprises concernées, malgré la désinformation des grands médias (notamment TF1 et France 2 pour qui la grève ne consiste qu'à montrer le mécontentement des usagers et à diffuser les bonnes paroles des ministres au 20 H), et malgré enfin un désir réel des français de réformer ce qui doit être réformé dans le pays, Nicolas Sarkozy et son gouvernement se révèlent dans l'action comme des gamins qui jouent avec des allumettes en étant assis sur une poudrière. Le style et la méthode consistant à passer des lois comme celle de l'Université pendant les vacances des étudiants, à imposer avec de faux-semblants de concertation des sacrifices à des catégories professionnelles que l'on stigmatise en même temps comme "privilégiées", à diviser les partenaires sociaux par diverses manoeuvres politiciennes, et à présenter le tout sans complexe comme des mesures de "justice sociale" et de progrès pour la France, ne marchent à l'évidence pas. Ils semblent bien au contraire nourrir la grogne sociale et aboutir au final à un résultat totalement opposé aux objectifs de départ.

La baisse du pouvoir d'achat, les risques réels de paralysie du pays, les nouveaux sacrifices demandés une fois de plus aux plus défavorisés, le creusement des inégalités entre riches et pauvres, l'augmentation de 200% du salaire du Président de la République, les politiques anti-sociales menées brutalement (comme entre autres celle des franchises médicales ou celle des suppressions de tribunaux), alors que des sommes d'un montant effarant sont parallèlement englouties dans des mesures destinées à une petite poignée de privilégiés (15 milliards d'euros de "paquet fiscal") ou totalement inefficaces (les heures supplémentaires), ne peuvent que susciter des interrogations. Même parmi les 53% d'électeurs ayant approuvé son programme néolibéral, comme il ne cesse de s'en prévaloir avec une certaine arrogance faute de meilleur argument, Nicolas Sarkozy est de plus en plus mis en doute dans sa capacité à présider-gouverner la France. Comme il était prévisible, beaucoup de français sont aujourd'hui déçus et rejoignent dans le mécontentement ceux dont le malaise reste profond depuis l'élection présidentielle. Après six mois de sarkozysme, tous s'interrogent désormais sur le bilan d'un superSarko qui allait soi-disant créer un "choc" dans l'économie et la société française. En fait de "choc", la France s'installe dans la grève à la première occasion et l'opinion publique, malgré la propagande médiatique, n'est pas loin de se rallier toute entière à un mouvement de contestation général. Certains signes ne trompent pas, comme par exemple ces nombreux usagers qui disent éprouver une certaine sympathie pour le mouvement de grève dans les transports malgré la gêne occasionnée. Le fait est que le mouvement des cheminots n'est en réalité pas aussi impopulaire que le martellent les très partisans "sondages d'opinion" et autres micro-trottoirs des Journaux télévisés tout acquis à la cause sarkozyste. La manifestation des "anti-blocages", organisée par certaines organisations de l'ultra-droite conservatrice (Contribuables Associés, Liberté chérie, Uni, Alternative Libérale, etc..) a d'ailleurs fait un flop et les quelques centaines de militants UMP composant le défilé (avec entre autres des mots d'ordre tels que "Syndicats, Fascistes !" ou "La France, aimez-la ou quittez-la") ont même été copieusement hués par les badauds.

Conséquence aussi de l'état de grogne sociale généralisée chauffé à blanc par les méthodes de gouvernance sarkozyste, la gauche radicale occupe de plus en plus le terrain. Alors que la cote de Nicolas Sarkozy ne cesse de baisser dans les sondages, Olivier Besancenot est pour sa part en train de s'installer en nouveau leader de la gauche. Le chef de file de la LCR dépasse les 50% d'opinions favorables chez les ouvriers et chez les jeunes de 18-24 ans. Il concurrence directement Ségolène Royal en termes de popularité, 40% des français souhaitant qu'il joue désormais un rôle plus important dans la vie politique française. Dans les conflits en cours les syndicats modérés et les directions syndicales adeptes de la négociation sont aussi manifestement quelque peu débordés non seulement par leur "base", très déterminée, mais aussi par les organisations activistes proches de l'extrême-gauche, du PCF à la LCR et LO, en passant entre autres par la FSU, SUD ou encore les arnacho-syndicalistes de la CNT. Toutes ces organisations prônant une certaine radicalité sont désormais écoutées et parviennent à mobiliser sans peine sur le terrain face à la casse sociale et à la misère en milieu étudiant. Leur stratégie de convergence des luttes et de grève générale ne tardera sans doute pas à produire ses effets si le très tatchérien omniprésident de la République persiste dans sa politique, surtout avec le style de nouveau PDG arriviste et arrogant qui le caractérise et qui ne fait qu'accentuer l'exaspération. "Le gouvernement fait de la gonflette sur le thème 'c'est nous les plus forts'; résultat, le mouvement se radicalise", souligne avec justesse Olivier Besancenot. Le "troisième tour social" a bel et bien commencé.

Copyright © Hortense Paillard / , Paris, lundi 19 novembre 2007. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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