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La République des Lettres

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke
Lettres à un jeune poète

La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0207-4
Livre numérique (format ePub)
Prix : 5 euros
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Bernard Thibault

Bernard Thibault

L'homme du jour, celui de la grève dans les transports contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, c'est incontestablement Bernard Thibault. Déjà leader du mouvement des cheminots de 1995, le secrétaire général de la CGT se retrouve de nouveau à la pointe du combat. Mais, alors que tout le monde s'attendait à un conflit frontal avec un Nicolas Sarkozy qui tire stupidement gloriole de sa volonté à faire passer coûte que coûte ses réformes anti-sociales, Bernard Thibault vient de le contrer savamment avec une initiative innatendue qui déjoue tous les pronostics. Plus conscient que jamais des nouveaux rapports de force sociaux, non seulement en termes syndicaux mais aussi d'opinion publique, et des méthodes employées par la droite au pouvoir précisément dans le domaine de l'opinion via des médias tout acquis à la cause sarkozyste, le leader cégétiste a pris la main d'un coup de maître et a forcé tous les autres joueurs, y compris ses partenaires-adversaires syndicaux engagés dans le conflit, à abattre leurs cartes tout en se montrant aux yeux de l'opinion comme un leader syndical responsable ouvert au dialogue, capable de propositions et prêt à négocier. En quelque sorte un homme de gauche moderne et positif qui, du coup, renvoie quelque peu le sarkozysme à son archaïsme fondamental, sans parler de celui des "opposants" du PS. La véritable capacité de réforme ne se trouve peut-être pas là où elle affirme se trouver, nous dit ainsi Bernard Thibault.

Dès mardi soir, avant même le début de la grève dans les entreprises concernées (SNCF, RATP, EDF, GDF), alors qu'il était reçu par le ministre du travail Xavier Bertrand en compagnie de Didier Le Reste, secrétaire national de la Fédération CGT cheminots, Bernard Thibault a en effet proposé l'organisation de "véritables négociations" tripartites au sein des entreprises pour chacun des régimes spéciaux. "S'il y a un cadre de négociations pour chaque régime spécial, avec la présence des entreprises, des syndicats et d'un représentant de l'Etat, avec un calendrier pour des discussions sur au moins un mois, ça peut avoir un effet sur le déroulement de la grève", a-t-il fait savoir. Une proposition agréée presque immédiatement par l'ensemble des autres grandes centrales syndicales qui sont favorables à cette perspective -- ainsi que le Parti Socialiste -- et qui renvoie ainsi la balle dans le camp d'un gouvernement qui ne cesse lui, depuis quelques jours, d'affirmer qu'il n'y a plus rien à négocier au plan national sur la réforme des régimes spéciaux de retraites. Plus rien n'est négociable, répètent à l'envie François Fillon et Xavier Bertrand sur ordre de Nicolas Sarkozy, histoire de montrer à leur électorat radical qu'ils font ce qu'ils disent et qu'ils sont prêts à affronter la grogne sociale droit dans leurs bottes. Sauf qu'au niveau des entreprises tout est encore négociable, que ce soit les salaires, la prise en compte de la pénibilité du travail, l'intégration des primes au calcul de la retraite, etc, et que tout cela peut être -- et sera sans doute -- avalisé en coulisses par les pouvoirs publics. Bien obligé de saisir la balle au bond, car la grève des transports pourrait finalement lui coûter cher au cas où elle s'éterniserait et ferait tache d'huile avec l'ensemble des autres mouvements sociaux en cours (étudiants, énergie, fonctionnaires, monde judiciaire, etc), Nicolas Sarkozy n'a pas tardé à réagir. Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a presque aussitôt salué la proposition de Bernard Thibault, estimant qu'il "a fait en sorte de dénouer la crise dès le premier jour du conflit", et le Président de la République vient lui-même de demander à Xavier Bertrand d'envoyer "dans les prochaines heures une lettre de proposition de méthode" aux syndicats afin de trouver "une issue" rapide au conflit. Jugeant qu'il s'agit d'une "opportunité", ce qui lui permet au moins de sauver la face, il vient donc forcé et contraint de reculer déjà d'un pas devant Bernard Thibault.

Reste que le geste habile de Bernard Thibault n'est pas forcément compris par l'ensemble de la base qui risque de le déborder. Bon nombre de grévistes, très remontés contre la casse sociale dont ils sont victimes et s'estimant, à juste titre, stigmatisés par le pouvoir en place et ses relais médiatiques qui les présentent plus ou moins comme des "privilégiés", se trouvent aujourd'hui quelque peu déstabilisés par la stratégie de Bernard Thibault. Certains, tels entre autres Sud Rail, deuxième syndicat de la SNCF, souhaitent toujours une négocation globale directement avec l'Etat, non par entreprises, et exigent le retrait de la réforme des régimes spéciaux. Beaucoup de grévistes n'hésitent plus à accuser la CGT, et les autres syndicats, de pure et simple trahison. En tout état de cause, ce sont eux, les grévistes, qui décident de la suite à donner au mouvement. Et pour l'instant ils décident de reconduire la grève.

Au-delà du jeu du chat et de la souris avec tel ou tel leader syndical ou opposant politique habile (s'il s'en trouve un un jour), au-delà également des revendications lancées par de plus en plus de catégories professionnelles, Nicolas Sarkozy devrait se méfier précisément de cette "base", c'est-à-dire du "peuple", incontrôlable par nature, et du profond malaise que son arrivée au pouvoir a généré en son sein. Ne s'est-il pas déjà fait traité de "170% enculé" (en référence à l'augmentation de salaire du Président de la République) lors du mouvement des marins pêcheurs à qui il a dû tout céder ?

Copyright © Hortense Paillard / , Paris, mercredi 14 novembre 2007. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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