Adalbert Stifter

Biographie Thomas De Quincey
Thomas De Quincey
De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

Éditions de La République des Lettres
ISBN 978-2-8249-0195-4
Prix : 5 euros
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Adalbert Stifter

Chez Jacqueline Chambon, à Nimes, on affectionne particulièrement la littérature autrichienne. Six volumes publiés d'Elfriede Jelinek, née en 1946, satiriste féroce qui n'épargne ni mâles ni bourgeoises, ni Heidegger ni sa patrie, ni luxure ni nature. Et six livres également d'Adalbert Stifter, lui né en 1805, romantique impénitent, bien que raisonnablement séduit par les convenances bourgeoises. Souvent, les paysages sont des acteurs de la prose de Stifter, qu'il s'agisse de roman de formation ou de récit fantasmatique.

"Ainsi donc, me voici devenu, de manière imprévue, peintre de paysages. C'est épouvantable". Ainsi commence Descendances. Après une terrible critique de la banalisation de la peinture de paysage, le narrateur (Stifter lui même?) forme l'ambition de "peindre de telle façon qu'on ne puisse plus faire la différence entre le Daschtein en peinture et le vrai". Quête acharnée et proprement impossible, autant technique que métaphysique. Il veut également peindre un marais avant son assèchement, sa disparition. Friedrich Roderer le peintre rencontre son homonyme, peut-être son semblable, l'assécheur de marais qui fut passionné de poésie, le riche et vieux Roderer. Comme un Monet avant l'heure (Stifter s'est tranché la gorge avec son rasoir en 1868) Friedrich veut peindre le marais à chacune des lumières de la journée. Cette boulimie de lumière et de réel était sûrement celle de Stifter peintre avant qu'il devienne écrivain. Ni l'histoire de l'art ni la littérature n'ont oublié notre auteur. Mais ce thème pictural ne saurait épuiser le roman . Le mystère des "descendances", ce cousinage entre les Roderer fascine Friedrich qui ne peut que tomber amoureux de la fille du vieux, histoire d'amour du plus fulgurant romantisme... Mais l'obstination, le destin étrange de l'artiste permettent-ils qu'on épouse son amoureuse, qu'on coule une vie sans folie dans le confort bourgeois et Bidermeier? Ou faut-il écarter l'art, se ranger, pour accomplir quelque chose qui "ne sera ni petit ni bas, ni insignifiant"? Accomplir quoi finalement? Ce beau roman ne le dit pas. Même si le mariage est une grande joie, ce renoncement n'est pas sans mélancolie dans la bouche du lecteur.

Dans Le Condor, première nouvelle publiée par Stifter, le peintre choisit sa carrière au détriment de l'amour. Pourtant l'héroïne trouve le courage de s'élever en ballon au dessus du matin des Alpes. Courage encore insuffisant puisqu'elle s'évanouit en altitude. Comme si le sexe féminin n'avait pas encore (en 1841) le droit de monter aussi haut que les hommes. La vigueur, les couleurs des récits de Stifter étonnent et charment aujourd'hui autant que lorsque Friedrich Nietzsche le sacrait "plus grand prosateur de langue allemande du XIXème". Souhaitons que Jacqueline Chambon puisse éditer le plus gros et ambitieux roman de Stifter, jamais traduit jusque là: L'Eté de la Saint-Martin.

Copyright © Thierry Guinhut / republique-des-lettres.fr, Paris, mercredi 01 janvier 1997. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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