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La République des Lettres

Pablo Neruda

Pablo Neruda -- Ricardo Neftali Reyes pour l'état civil -- voit le jour le 12 juillet 1904 dans la petite ville de Parral, à quelques 350 kilomètres au sud de Santiago du Chili. Son père est conducteur de trains. Sa mère, institutrice, meurt un mois après sa naissance.

Il passe son enfance et son adolescence à Temuco, dans le sud du Chili, au milieu d'une nature vierge dont sa poésie gardera toujours la mémoire. De 1910 à 1920, il étudie au lycée de garçons de Temuco et commence à publier ses premiers poèmes dès 1918 dans la revue Corre-Vuela. En 1920, il s'installe à Santiago du Chili où il suit les cours de l'Institut pédagogique pour devenir professeur de langue et littérature française. La même année, il obtient le 1er prix au concours de la Fédération des Etudiants du Chili pour son poème La Chanson de la fête, publié par la revue Juventud.

Au cours des années suivantes, il collabore à plusieurs revues littéraires (Claridad, Dionysios, Andamios,...), signant ses articles et ses poèmes du pseudonyme de Pablo Neruda, en hommage à l'écrivain tchèque Jan Neruda (Prague, 1834-1891). Nommé professeur, il publie en 1923 aux éditions Nascimento un premier recueil de poésies, Crépusculaire, suivi en 1924 d'un livre majeur, sans doute le plus connu à ce jour dans le monde, Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée. En 1925, il publie Tentative de l'homme infini et prend la direction de la revue Caballo de Bastos. Il publie un roman consacré aux marginaux, L'Habitant et son espérance (1926), tout en continuant d'enseigner et d'écrire régulièrement pour le journal La Nacion.

En 1927, Pablo Neruda intègre les services diplomatiques du Chili. Il est envoyé en Extrême-Orient où il exerce les fonctions de Consul, successivement à Rangoon (Birmanie, 1927), Colombo (Ceylan, 1928), Batavia (Java, 1930, où il épouse une hollandaise, Marie-Antoinette Agenaar Vogelzanz) et Singapour (1931). Tous ces pays imprègneront fortement une partie de son oeuvre et c'est là qu'il commencera à écrire l'ensemble de trois recueils intitulé Résidence sur la Terre (publié aux éditions Nascimento de 1933 à 1935). En 1932, il revient au Chili, puis est nommé l'année suivante Consul à Buenos Aires (Argentine) où il fait la connaissance du poète espagnol Federico Garcia Lorca, qui aura une influence déterminante sur sa vie et son oeuvre.

En 1934, Pablo Neruda est nommé Consul en Espagne, d'abord à Barcelone puis l'année suivante à Madrid ou naît sa fille Malva Marina et où il rencontre Rafael Alberti et Jorge Guillen. Les revues madrilènes El Sol, Revista de Occidente et Cruz y Raya publient ses textes, dont des traductions de William Blake. Il co-fonde et dirige lui-même la revue Caballo verde para la Poesia.

La Guerre civile espagnole qui éclate en juillet 1936 voit Pablo Neruda s'engager auprès du camp républicain contre Franco. Après l'assassinat de Garcia Lorca, fusillé en août 1936, il écrit un livre intitulé L'Espagne au coeur, dédié à l'Espagne martyre. Il est relevé de ses fonctions diplomatiques. En 1937, il fonde avec César Vallejo le Comité hispano-américain de soutien à l'Espagne puis se rend à Paris, où il prononce une conférence et édite avec la poétesse anglaise Nancy Cunard une brochure intitulée Les Poètes du monde défendent le peuple espagnol. Il se sépare de Marie-Antoinette Agenaar et rentre au Chili à l'automne 1937.

L'Espagne au coeur est publié à Paris l'année suivante, préfacé par Louis Aragon, tandis qu'il fonde à Santiago le revue Aurora de Chile. En 1939, Pablo Neruda est nommé consul à Paris, chargé en particulier de l'immigration au Chili des réfugiés espagnols. Il passe par Montevideo (Uruguay) où il participe comme délégué de l'Alliance des Intellectuels chiliens au Congrès international des Démocraties. En 1940, de retour au Chili, il compose un Chant général du Chili avant d'être envoyé comme consul général à Mexico où il publie Chant pour Bolivar, puis voyage au Guatemala, au Pérou et à Cuba. Il est profondément affecté par le décès de sa fille Malva Marina qui meurt en Europe en 1942.

Il exalte la résistance communiste russe dans Nouveau Chant d'amour à Stalingrad publié à Mexico en 1943 par la Société des Amis de l'URSS. Pablo Neruda revient au Chili, après un voyage aux Etats-Unis et dans les pays de la côte du Pacifique (Panama, Colombie et Pérou où il visite les ruines de Machu-Picchu qui donnera plus tard le livre Hauteurs de Machu-Picchu), et adhère l'année suivante au Parti Communiste, dont il défendra dès lors les idéaux tout au long de sa vie.

Très populaire auprès des masses chiliennes, Pablo Neruda est élu en 1945 sénateur des provinces de Tarapaca et Antofagasta. Il reçoit parallèlement le Prix national de Littérature. L'année suivante il dirige la campagne électorale de Gabriel Gonzalez Videla qui, après son élection comme président de la République, se révèlera être un dictateur farouchement anticommuniste. Le poète réagit par un discours au Sénat portant le titre du célèbre pamphlet d'Émile Zola: J'accuse !. Bientôt censuré au Chili, il publie dans le journal El Nacional de Caracas (Venezuela) une Lettre intime pour être lue par des millions d'hommes.

Il échappe de peu à la prison et doit entrer dans la clandestinité en 1948 lorsque le Parti Communiste est interdit. Débute alors une longue période faite de clandestinité militante, de rencontres amoureuses et d'errance dans divers pays d'Amérique du sud, d'Asie et d'Europe (URSS, Pologne, Hongrie, Italie, Inde, Mexique). En 1950, il publie à Mexico, où il rencontre Paul Eluard, son Chant général (ex Chant général du Chili), vaste poème épique en 15 chants retraçant l'histoire et les luttes du peuple latino-américain opprimé. Le livre est immédiatement interdit au Chili mais deux éditions clandestines sont toutefois diffusées. La même année, il reçoit conjointement avec Pablo Picasso le Prix international de la Paix. Au cours des années 1951-52, tandis qu'il séjourne en Italie (où il écrit deux livres: Les Raisins et le Vent et Les Vers du Capitaine), son Chant général est traduit et publié dans le monde entier, de la France aux États-Unis en passant par la Chine, l'Inde, la plupart des pays d'Union soviétique et d'Amérique latine, et même la Palestine et la Syrie. Il rencontre également la femme de sa vie, Matilde Urrutia, qui inspirera notamment les poèmes de La Centaine d'Amour.

Pablo Neruda retourne vivre au Chili en 1952. Il y compose les trois volumes des Odes élémentaires (éditées en 1954 à Buenos Aires), où il fait un éloge dépouillé des choses les plus simples de la vie, et publie deux anthologies: Tout l'amour (éditions Nascimento) et Poésie politique (éditions Austral). En 1955, il achève la construction de sa maison d'Isla Negra où il s'installe avec Mathilde Urrutia. Il fonde la revue La Gaceta de Chile, devient président de l'Union des écrivains chiliens en 1957 et voyage dans plusieurs pays communistes (Union soviétique, Chine, etc). Après le recueil Vaguedivague (1958) et l'édition définitive de La Centaine d'amour (éditions Losada, 1960), il publie en 1964 les cinq volumes de Mémorial de l'Ile Noire (éditions Losada), une longue méditation sur son itinéraire politique et poétique.

Il voyage beaucoup, notamment aux Etats-Unis en 1966 à titre d'invité d'honneur du Congrès du Pen Club International et en Russie où il assiste en 1967 au Congrès des Écrivains soviétiques. En 1969, il est désigné par le parti communiste chilien pour être candidat à l'élection présidentielle mais il préfère soutenir la candidature de Salvador Allende Goossens. Il publie coup sur coup cinq livres: La Barcarole, Les mains du jour, Fin de monde, Encore et L'Art des Oiseaux. Il est nommé ambassadeur du Chili à Paris lorsque ses compagnons de lutte accèdent au pouvoir en 1970. Il publie à Paris L'épée en flammes et Les pierres du ciel, livres dans lesquels sa méditation sur la solidarité et la fraternité humaine atteint sans doute son expression la plus intense. En octobre 1971, Pablo Neruda devient le troisième écrivain d'Amérique Latine à être honoré par le Prix Nobel de Littérature. Il revient à Santagio où le peuple chilien l'accueille par un hommage triomphal au Stade national. Il rédige un long poème politique, Incitation au nixoncide et éloge de la révolution chilienne, en vue des prochaines élections. Les éditions Losada publient la quatrième édition de ses Oeuvres complètes en trois volumes.

Pablo Neruda meurt le 23 septembre 1973 d'un cancer du pancréas dans un hôpital de Santiago du Chili, quelque jours seulement après le putsch du général Augusto Pinochet qui a entraîné le "suicide" de Salvator Allende et le saccage des maisons du poète ("La Chascona" à Santiago, "La Sebastiana" à Valparaiso et celle du petit village côtier d'Isla Negra, où il résidait avec Matilde Urrutia et qui inspira toute une partie de son oeuvre). Malgré la présence de l'armée lors de son inhumation, des chants sont scandés par la foule et le cortège se transformera en manifestation de protestation contre le régime. Un dernier recueil, La rose détachée, ainsi que son autobiographie, J'avoue avoir vécu, sortiront à titre posthume l'année suivante. Depuis 1992, Pablo Neruda, devenu poète national du Chili, repose dans le cimetière d'Isla Negra. Sa demeure, transformée en musée, est visitée chaque année par quelque 150.000 admirateurs.

Parmi l'oeuvre de Pablo Neruda publiée en français, pour l'essentiel traduite par Claude Couffon aux éditions Gallimard, on citera notamment Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée, J'avoue que j'ai vécu, La rose détachée et autres poèmes, Chant général, Les Vers du capitaine et Résidence sur la terre.

On lira aussi le roman d'Antonio Skarmeta, Une ardente patience (Le Seuil, 1987), dont a été tiré le film de Michael Radford avec Philippe Noiret intitulé Le Facteur. Le titre du livre d'Antonio Skarmeta est tiré d'une citation de Rimbaud lue par Pablo Neruda lors de la réception du Prix Nobel de Littérature: "Ce n'est qu'au prix d'une ardente patience que nous pourrons conquérir la cité splendide qui donnera la lumière, la justice et la dignité à tous les hommes. Ainsi la poésie n'aura pas chanté en vain."

Copyright © Jean Bruno / La République des Lettres, Paris, mercredi 24 avril 2013. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.

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