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La République des Lettres

Ugné Karvelis

Entretien avec Ugné Karvelis, traductrice et seconde épouse de Julio Cortazar.

Par Jacobo Machover, dernière édition le vendredi 15 avril 1994.

Ugné Karvelis a été la deuxième femme de Julio Cortazar. Lorsqu'elle le rencontra, en 1962, elle dirigeait la collection Du monde entier chez Gallimard, où fut publiée la première traduction française de l'un de ses recueils de nouvelles, Les armes secrètes. Cela allait faire de lui l'un des principaux représentants du récit fantastique en Amérique latine. Aujourd'hui, Ugné Karvelis est ambassadrice de Lituanie, son pays natal, à l'Unesco.
"Je continue à parler avec Julio. Il m'est toujours difficile de parler de lui au passé. Aussi bien en Lituanie qu'en Amérique latine, il existe une appréhension magique des choses, pas du tout cartésienne (Julio détestait Descartes). Nous bavardions toujours de ce qui se passe dans le monde et dans la vie quotidienne... Nous ne passions pas notre temps à faire de grands discours philosophiques ou politiques. Parfois, nous prononcions des mots qui, pour les autres, ne voulaient rien dire. Par exemple, le mot "blupblup", qui était une de mes inventions et qui apparaît dans la bouche de Ludmila dans le Livre de Manuel. Cela faisait partie de son côté ludique. Nous avions également en commun une manière un peu enfantine de voir les choses. Nous nous amusions comme des fous avec les insectes.
"Comme cela se produit le plus souvent entre deux intellectuels, la littérature faisait partie du quotidien. Nous nous référions constamment à Rimbaud ou à Rilke... Julio était un mauvais poète. Il a écrit une quantité énorme de poèmes, mais, malgré tout, il n'a jamais réussi à me convaincre de la qualité de sa poésie.
"Ma rencontre avec lui s'est produite à travers les livres. J'ai été fascinée parLes armes secrètes. Cortazar était un solitaire qui avait toujours rêvé de s'intégrer à un groupe. Ce rêve, il l'a réalisé à Cuba, dans La Havane de cette époque, car celle d'aujourd'hui... mon Dieu!
"L'engagement de Julio a toujours été éthique, jamais politique. A Paris, son rêve de groupe s'est transformé en cauchemar. Paris est devenu un enfer après la mort de Salvador Allende. Beaucoup de gens croyaient que Julio pouvait résoudre les problèmes de tous les prisonniers politiques, de tous les disparus et de tous les exilés latino-américains. Ils ne nous laissaient plus vivre. J'essayais de le protéger dans la mesure du possible, car je pense qu'un écrivain a besoin d'un petit peu de temps pour écrire. Parfois je perdais patience. Je n'arrivais plus à supporter cette situation.
"Au début des années '70, je traversais une énorme crise d'identité. Plus tard, s'est produite la rencontre de Julio et de Carol, et notre séparation. Julio avait une curieuse fascination pour la maladie. Carol était très malade. Julio Cortazar était un homme de mystère et de passion. Il me disait: Je ne suis pleinement moi-même que lorsque j'écris ou lorsque je fais l'amour."

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Copyright © La République des Lettres, vendredi 20 mai 2011