République des Lettres

Maurice Pialat

Filmographie / Biographie de Maurice Pialat (31.08.1925 - 11.01.2003).

Maurice Pialat, né à Cunlhat, dans le Puy-de-Dôme, vint tard au cinéma. Il s'intéresse au théâtre, est assitant au cinéma et à la télévision, mais est plus âgé que ceux de la Nouvelle Vague du fait d'une quinzaine d'années difficiles consacrées à la peinture tout en étant Visiteur médical à Lyon, représentant chez Olivetti et pour les shampoings Volpi. D'abord tenté par l'architecture il s'était dirigé vers les cours des Arts Décoratifs et des Beaux Arts de 1942 à 1947. Acteur de théâtre (Jules César en 1955) et de cinéma (l'inspecteur dans Que la bête meure de Chabrol en 1969). Puis, même si Truffaut l'aide en coproduisant avec Claude Berri son premier long-métrage L'Enfance Nue et remporte le prix Jean Vigo, il reste à l'écart du groupe comme un grand frère amer. Pialat est plus radical dans sa vision de l'amour, reprochant à ses cadets d'avoir été récupérés par le système. Il suffit de l'écouter parler de sa propre enfance pour comprendre :
"- Maurice Pialat: J'ai gardé la voix de mon père sur une cassette, c'est autre chose... Mais j'ai quelques images de films de mes parents. Si je les projette ça me laisse froid. Tandis que si je repense à eux, là il y a une émotion, évidemment de moins en moins, le temps tue tous les jours. L'oubli c'est la vraie mort... Il n'y a pas d'émotion au cinéma.
- Cyril Collard (assistant et acteur dans A nos Amours puis réalisateur de Les Nuits Fauves en 1992): C'est ta froideur à toi. Tu es très particulier pour ça.
- Maurice: Je suis sur la sellette... Il y a dû y avoir une cassure dans ma vie. Avant, j'étais tout le contraire de ça, une véritable fontaine. Après, j'ai continué à m'apitoyer sur moi et à chialer, pour des histoires en général de gonzesses, parce que j'étais très malheureux... Et puis, un jour est venu, c'était la froideur complète, apparente en tout cas.
- Cyril: Depuis quand?
- Maurice: Ca dépend si tu inclues les histoires de femmes, dont la dernière me touche encore... Je crois que quand j'ai arrêté de peindre, ça a été un choc terrible dans ma vie. Je suis resté deux ans dans un état de léthargie complète. Et c'est là qu'a vraiment commencé la paresse, parce qu'avant il n'y avait que mon père pour me traiter de paresseux."
Partageant sa vie durant vingt ans avec Micheline, épousée en 1949, qui, après leur séparation, géra leur société de production Les Films du Livradois, Pialat resta jusqu'au bout un solitaire acerbe, pour qui toute histoire de couple était sordide. En 1960, il quitte Micheline pour Colette qui l'accompagne en Turquie pour la réalisation de documentaires. En 1966, elle le quitte, il écrit un livre puis un noir et magnifique film éponyme, autobiographique: Nous ne vieillirons pas ensemble avec Marlène Jobert et Jean Yanne. En 1969, liaison avec Arlette Lagmann de vingt ans sa cadette, soeur de Claude Berri, avec laquelle il écrit L'enfance nue puis plus tard Loulou. Elle sera la monteuse de tous ses films. Nouvelle rupture. Ses dernières années furent celles d'un silence rageur après le dernier film, Le Garçu, où son propre enfant, Antoine, entre des parents déchirés, habitait toute l'image. Etre de la souffrance, de la blessure, Pialat maintint jusqu'à sa mort, à Paris, l'image d'un artiste incompris.
L'ombre familière est le premier court-métrage professionnel de Maurice Pialat, réalisé en 1958. L'amour existe est le second et recevra le Lion d'Or à Venise en 1961 ainsi que le prix Louis Lumière. Il fut produit par Pierre Braunberger, producteur émérite de La Nouvelle Vague (de Godard, Rouch, Resnais, Truffaut, Rivette...).
"Si le scénario-programme organise des péripéties en une structure prête à être tournée, le scénario-dispositif est ouvert aux aléas du tournage, aux rencontres, aux idées de l'auteur surgissant dans l'ici et le maintenant (...) Il est évident que l'idéal de la Nouvelle Vague, c'est le scénario-dispositif, que Godard va amplifier au fur et à mesure que sa carrière se développe et qui règne en maître dans la démarche esthétique de Jean Rouch et de Jacques Rozier" écrit Michel Marie dans son ouvrage La Nouvelle Vague (éditions Nathan Université, 97). Pialat, lui, oscille entre le scénario-programme et le scénario-dispositif, ainsi que le firent François Truffaut ou Claude Chabrol quelques années plus tôt. Avec le temps, de façon atypique, obtenant des aides pour des scénarios mais les utilisant pour d'autres films, non sans menaces, Pialat parvint à mettre en place un troisième procédé : "Le scénario par défaut qui fait mouche". En père du "cinéma-vérité", il annonce une nouvelle modulation du récit, proche des histoires de Marcel Pagnol, dont en plus des initiales il partage la vision du drame, dans la lignée de Jean Renoir. Se reconnaissant dans son langage brut, certains cinéastes se mettent à créer avec la même rudesse et franchise apparentes qui leur fait porter la caméra à l'épaule et travailler en équipe légère, maintenant en numérique: ils se font observateurs et transcripteurs du désarroi de leur époque. Et, comme Pialat, qui misait principalement sur la direction d'acteurs (les séquences ne leur étant confiées qu'au dernier moment), aux dépens du découpage et de la lumière que, de toute façon, la vérité rattrape par une autre voie -- celle du regard sur la pathologie -- ils se libèrent des contraintes d'une redoutée tranquillité-propreté. L'enfance nue, son premier long métrage, est interprété par des non-professionnels qui jouent leurs propres rôles. Succès d'estime qui lui permet de tourner sept épisodes d'un feuilleton télévisé de qualité : La Maison des Bois, sur un enfant délaissé confié en 1914 à des forestiers. Suivent quatre puissants longs métrages où il peaufine son goût du plan-séquence traqueur des vulnérabilités. Mais ce sont des années cahotiques jusqu'en 1983. Le 4 mars 1984, François Truffaut, qui a été opéré d'une tumeur au cerveau en septembre 83 et commence à retrouver quelque force, lui remet pour A Nos Amours le César du meilleur film. Que s'est-il donc passé pour que Pialat rencontre le public de façon si inattendue et inespérée? Sandrine Bonnaire, quinze ans dans ce chef d'oeuvre, est une révélation, pour le cinéaste et le public. Mais la grande rencontre cinématographique de Pialat c'est aussi Gérard Depardieu. Loubard sensible dans Loulou, policier violent mais écorché dans Police, père gauche dans Le Garçu, fascinant abbé Donissan dans Sous le soleil de Satan. Si ce film, adpaté de Bernanos, fut mal reçu, Van Gogh valut à Pialat un nouveau succès public. Cependant la rancoeur l'emporta et, après Le Garçu, ce cinéaste de la passion étouffée cessa définitivement de filmer.
Note : Valérie Schlumberger, costumière et interprète dans A Nos Amours, disait de Maurice Pialat: "Souriant, il fait plaisir même au chat qui passe par hasard. En colère, il arrive à crisper cent mille personnes sans problème. C'est quelqu'un auquel je suis définitivement très attachée parce que je l'ai vu dans des moments où il n'était pas très reluisant, et je ne l'ai jamais trouvé vraiment odieux malgré tout le mal qu'il se donnait pour l'être". Isabelle Huppert, interprète dans Loulou, disait que le climat d'insécurité dans lequel il les plaçait était une grande preuve de malice. Jouant le rôle du père de Sandrine Bonnaire dans A nos amours, il cite Van Gogh: "La tristesse durera toujours". Il tourne d'ailleuirs Van Gogh huit ans plus tard, avec Jacques Dutronc, et ellipse la mort du peintre. Il nous reste aussi le refus de Jean Yanne de venir chercher son prix d'interprétation à Cannes pour son rôle dans Nous ne vieillirons pas ensemble afin de marquer son désaccord avec Pialat, puis Pialat recevant la Palme d'Or au Festival de Cannes 1987 pour Sous le soleil de Satan, face aux sifflets, le poing dressé, lançant "Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus". Il nous reste dix longs métrages, son hostilité face à un monde hostile, cinéaste du non-dit et du cri, de la relation accidentée, éternel insatisfait, éternel père perdu. Un maître.
Filmographie : L'amour existe (c.m, 1961); Janine (c.m, 1962); Jardins d'Arabie (documentaire, 1963); Pehlivan, Istanbul, Byzance, Maître Galip (documentaire 1964); Chroniques de France (c.m 1965/66); L'enfance nue (l.m, 1969); La Maison des Bois (Feuilleton TV,1971); Nous ne vieillirons pas ensemble (l.m,1972); La Gueule ouverte (l.m, 1973); Passe ton bac d'abord (l.m, 1979); Loulou (l.m, 1980); A nos amours (l.m, 1983); Police (l.m, 1985); Sous le soleil de Satan (l.m, 1987); Van Gogh (l.m, 1991); Le Garçu (l.m, 1995).

Michel Marx, samedi 16 avril 2005

 

 

 

 

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