Naguib Mahfouz

1. Noël Blandin
2. Journal de la République des Lettres
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"L'Egypte n'est pas pour moi une simple parcelle de terre, elle est la fondatrice de la civilisation. Elle est dans l'histoire humaine comme le pays mère... " Naguib Mahfouz, le prix Nobel de littérature 1988, livre dans Mon Egypte, son regard sur l'Histoire politique et culturelle de son pays, indissociable de la sienne propre. Ce livre, publié exclusivement en France, est le fruit d'entretiens que le maître de la littérature arabe contemporaine a accordé à son ami, l'écrivain égyptien Mohamed Salmawy. Ouvrage de dialogues, c'est aussi un livre d'images, de portraits en noir et blanc du petit peuple du Caire ou de paysans de la vallée du Nil, signés Gilles Perrin. Au soir de sa vie - il vient d'avoir 85 ans - l'auteur de la Trilogie, victime d'un attentat islamiste en octobre 1994 qui l'a laissé quasiment paralysé du bras droit, réapprend à écrire. Mais cette épreuve n'a entamé ni son humanisme forgé au fil des soubresauts de l'histoire contemporaine de son pays, ni son amour du peuple égyptien. "Ma confiance en ce peuple est restée intacte et mon avis sur le terrorisme n'a pas changé", dit-il, comparant le fanatisme religieux, "mainmise sur la conscience des gens", aux "tribunaux d'inquisition catholique". "Le jeune homme qui m'a agressé était élancé, dans la fleur de l'âge... Il aurait pu être un champion sportif... ou un savant... ou un précepteur religieux... Pourquoi a-t-il choisi cette voie ?", se demande Mahfouz sans haine et sans reproche.

Autre livre récemment publié en France: Vienne la nuit, sorti en 1949 en Egypte où il reste son livre le plus connu, adapté notamment à l'écran sous le titre Début et fin qui figure parmi les grands classiques du cinéma arabe. On ne peut nier le plaisir qu'on prend encore aujourd'hui à la lecture de ce roman, la voracité qui nous saisit à connaître l'histoire de cette famille d'Egypte dans les années 30, totalement bouleversée par la mort subite et prématurée du père. Vision d'une société cadenassée, frustrée et bouillonnante de désirs impossibles, étude nuancée de personnages attachants et inoubliables, Vienne la nuit nous rappelle les scénarios formidablement bien ficelés de ces films dit populaires qui ne connaissent pas la mièvrerie et qui peuvent être vus par tous, intellectuels compris, sans ennui.