Harold Pinter

Harold Pinter

Poète, metteur en scène, scénariste pour le cinéma, Harold Pinter est né le 10 octobre 1930 à Londres (Royaume-Uni). Fils unique d'un modeste tailleur juif d'origine russe, il grandit dans l'East End, un quartier juif populaire frappé par le chômage, la crise sociale, la pauvreté, la violence et bientôt les bombardements de l'armée allemande. En 1948, révulsé par tout ce qui touche à la guerre, il refuse d'effectuer son service militaire et entame des études à l'Ecole Nationale d'Art Dramatique de Londres.

En 1951, Harold Pinter abandonne les études pour débuter une carrière d'acteur qu'il poursuivra par intermittence pendant une dizaine d'années sous le pseudonyme de David Baron. Il occupe également à la même époque quelques petits emplois de vendeur à la sauvette ou de contrôleur de billets dans des bals, ce qui l'amène à fréquenter des marginaux (clochards, voyous, maquereaux, etc) qui peupleront par la suite ses pièces de théâtre. Tout au long des années '50, il écrit un grand nombre de poèmes et de nouvelles qui ne seront publiées en partie que dans les années '70. Un premier roman semi-autobiographique intitulé The Dwarfs (Les Nains), écrit entre 1953 et 1957 mais jamais terminé, fournira en 1960 la trame de la pièce du même nom.

Harold Pinter fait réellement ses débuts de dramaturge en 1957 avec trois pièces de théâtre: The Room (La Pièce), The Dumb Waiter (Le Monte-Plats) et The Birthday Party (L'Anniversaire). Elles connaissent un maigre succès mais L'Anniversaire passe à la télévision et suscite l'intérêt de la critique. Viendront ensuite A Slight Ache (Une petite douleur) et la pièce qui le révèlera au grand public: The Caretaker (Le Gardien, 1959, version filmée en 1963). Harold Pinter écrit ensuite plusieurs pièces pour la radio et la télévision, dont notamment A Night Out (Une soirée en ville, 1960), Night School (Cours du Soir, 1960), La Collection (1961), The Lover ( L'Amant, 1963) et Tea Party (L'Invitation au Thé, 1965). Ces pièces seront ensuite reprises au théâtre au même titre que The Homecoming (Le Retour, 1964, qu'il adaptera lui-même pour le cinéma), Landscape (Paysage, 1968), Silence (Le Silence, 1968), Night (La Nuit, 1969) et Old Times (C'était hier, 1971). Plus tard viendront entre autres No Man's Land (1975), Betrayal (1978), The Hot House (1980), Family Voices (1981), Victoria Station (1982), A Kind of Alaska (1982), One For the Road (Un pour la route, 1984), Mountain Language (1988, inspirée par la suppression de la langue kurde en Turquie), The New World Order (Le Nouvel ordre du Monde, 1991), Moonlight (La lune se couche, 1993), Ashes to Ashes (1996) ou encore Celebration (1999). Parallèlement à ses créations dramaturgiques et à ses responsabilités de directeur associé du National Theater de Londres où il a été nommé en 1973, Harold Pinter a également mis en scène plusieurs oeuvres d'auteurs comme entre autres James Joyce, Noel Coward et Simon Gray.

Jouées dans le monde entier et en particulier en France où elles ont été interprété par les meilleurs comédiens (Michel Bouquet, Pierre Brasseur, Claude Rich, Delphine Seyrig, Sami Frey, Lambert Wilson, Christine Boisson, Marianne Basler,...), les pièces de théâtre d'Harold Pinter sont aujourd'hui devenues des classiques modernes et ont donné lieu à un adjectif entré dans le dictionnaire: "pinterien", désignant par là un univers absurde et sans espérance où les individus s'expriment comme si leurs conversations devaient être surprises. Ses personnages, plongés dans l'angoisse, l'oppression et la solitude, sont le plus souvent victimes de conflits extérieurs et voient leur vies balancer entre tragique et burlesque. Pour le dramaturge, influencé à ses débuts par le théâtre de Samuel Beckett, "la plupart du temps nous n'exprimons rien, nous ne laissons rien paraître, nous nous défilons, nous sommes évasifs, méfiants, peu coopératifs. C'est de ces caractéristiques que surgit un langage où, derrière ce qu'on dit, c'est autre chose qu'on exprime." Dans l'histoire du théâtre contemporain son oeuvre est située au carrefour du "Théâtre de l'Absurde" et d'un genre spécifiquement britannique, "l'École de la Cuisine" (d'après La Cuisine d'Arnold Wesker).

Dans les années '90, des pièces telles que The New World Order ou Ashes to Ashes témoignent de son évolution politique de plus en plus critique contre les néo-conservateurs occidentaux fauteurs de guerre. Harold Pinter a en particulier durement attaqué les présidents américains Ronald Reagan et George W. Bush ainsi que les premier ministre anglais Margaret Thatcher et Tony Blair. Défenseur des Droits de l'Homme et Objecteur de conscience, il critiquait l'embargo contre Cuba et n'a pas hésité à dénoncer le rôle de l'ONU dans les Balkans en 1999 ainsi que les guerres menées en Afghanistan et en Irak. En 2005, ne pouvant se rendre à la réception du Prix Nobel, il y a fait lire une déclaration très sévère contre les Etats-Unis de George W. Bush qui exerce, dit-il, "une manipulation très clinique du pouvoir dans le monde entier tout en se faisant passer pour une force prônant le bien universel".

Au cinéma Harold Pinter a notamment signé les scénarios de trois films du metteur en scène Joseph Losey: The Servant, Accident et Le messager ainsi que les adaptations de À la recherche du temps perdu d'après Marcel Proust, La Femme du Lieutenant français d'après John Fowles et L'Ami retrouvé d'après Fred Uhlman. Il y a également adapté des oeuvres de Joseph Conrad, Francis Scott Fitzgerald (Le Dernier Nabab pour Elia Kazan) ou encore Ian McEwan.

En littérature, outre son premier roman, Les Nains, Harold Pinter a publié une petite partie de ses textes dans Poems and Prose (1978). Avec Various voices (1998), son ouvrage de poésie le plus connu est sans doute le recueil intitulé War (La Guerre), publié au moment de l'invasion de l'Irak par les troupes américaines, en 2003.

Côté vie privée, Harold Pinter a eu plusieurs liaisons amoureuses qui firent parfois scandale. L'une de ces liaisons, avec la présentatrice de télévision Joan Bakewell, est en partie relatée dans la pièce Betrayal. Il a épousé en 1956 l'actrice Vivien Merchant, qu'il a quitté en 1977 pour vivre avec Lady Antonia Fraser, épousée en 1980.

Commandeur de l'ordre de l'empire britannique depuis 1996 et lauréat de nombreux prix, dont entre autres un Laurence Oliver Award et un Molière, Harold Pinter a vu son oeuvre -- au total quelque trente pièces de théâtre et vingt-deux scénarios de films -- couronnée par le Prix Nobel de Littérature 2005. Pour le jury de l'Académie suédoise, il est sans conteste "le représentant le plus éminent du théâtre dramatique anglais de la seconde moitié du XXe siècle".

Harold Pinter est décédé à Londres le 24 décembre 2008, à l'âge de 78 ans, des suites d'un cancer de l'oesophage dont il souffrait depuis 2002.

Copyright © Henri Jimenez / republique-des-lettres.fr, Paris, lundi 14 novembre 2016. Droits réservés pour tous pays. Toute reproduction totale ou partielle de cet article sur quelque support que ce soit est interdite.
Noël Blandin / La République des Lettres
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